Il s'agit d'une analyse stylistique approfondie du chapitre 21 de l'oeuvre "Tous les matins du monde" de Pascal Quignard.
Tiré de la fin du roman intitulé Tous les matins du monde, écrit par Pascal Quignard et paru en 1991, le chapitre 21 – sur les 27 qui composent l'œuvre – de cette biographie fictive d'un musicien nommé Jean de Sainte Colombe, est temporellement parallèle au chapitre qui le précède. Les chemins de monsieur de Sainte Colombe et de son ancien élève, Marin Marais, se rejoignent à nouveau après de longues années sans contact, et les chapitres 20 et 21 narrent l'épisode vu par chacun des deux personnages. Les raisons qui entraînent Marin Marais à revenir auprès de son ancien maître de viole font alors l'objet de ce chapitre. Cette courte scène – et chapitre – met en exergue plusieurs thèmes lyriques qui se mêlent et progressent au fil de ce récit singulatif, au son de la viole qui bat la mesure et s'intensifie à mesure que le personnage s'en rapproche. Ces thèmes sont renforcés par un jeu de marques stylistiques concordantes, comme une cadence phrastique évoluant au rythme d'un style paratactique autant au niveau microstructural que macrostructural, et au gré de sonorités et de figures de style parfois plus proches de la poésie que de la prose.
[...] Cette dernière phrase à traine recèle qui plus est, une forme de poésie dans l'apodose, avec ce qui ressemble à un alexandrin, et qui allonge d'autant plus l'effet de traine : Protase : Au loin, par instants, Apodose : Il percevait le son / de la viole de son maître ou b. Une transition plus neutre C'est ensuite une cadence plus neutre, et un rythme carré qui vient faire la transition entre le début et la fin du chapitre, avec des phrases telles que (« J'ai aimé des filles / qui sont sans doute des mères. [...]
[...] sur les orgues de Saint-Gervais. »), musique tant attendue par le personnage de Marin Marais, dont nous suivons les pas feutrés approchant, noctambule, de la cabane d'où émanent les mélopées. Ces dernières sont alors à leur tour appuyées par un champ lexical du son et du bruit (« percevait », « se guidant au son de la viole », « approcha l'oreille », « plaintes arpégées », « airs », « résonner » etc), - rappelant par ailleurs celui de l'eau (la pluie, la Bièvre, Marin Marais etc) par le biais de l'assonance en qui ruisselle le long du texte. [...]
[...] On devine les regrets derrière la métaphore du grand saule rompu, l'impatience des périodes à parallélisme syntaxique, la tristesse d'une prose en alexandrins, et la mélancolie de ce que Marin Marais perçoit comme de longues plaintes, étirées sur la viole. En somme, c'est un phrasé musical au lyrisme palpable qui accompagne actions, descriptions et sentiments du personnage, tout au long du chapitre. [...]
[...] On retrouve d'ailleurs ce spleen dans la courte protase du grand saule (« Du grand saule, il ne restait plus que le tronc. »), associé au champ lexical de l'arbre, symbole d'un temps révolu, enraciné dans une suite de phrases centrales où les verbes s'enchaînent à la forme négative. Enfin, la cadence mineure qui termine le chapitre trouve son apogée dans les paroles de Jean de Sainte Colombe, soit une phrase nominale incluse dans le discours direct rapporté, le monorhème thématique (« Mes Mains »). [...]
[...] Il se glissa dans l'ombre du mur et, se guidant au son de la viole, s'approcha de la cabane de son maître et, s'enveloppant dans son manteau de pluie, il approcha l'oreille de la cloison. En revanche, dans cette seconde période ternaire segmentée, le parallélisme syntaxique est situé sur les verbes au participe présent (« se guidant ») et (« s'enveloppant »), tous deux sous leur forme pronominale, et sur la proposition qu'ils introduisent. Le champ lexical dérivationnel des verbes d'action au passé simple (« s'approcha ») et (« approcha ») appuie également ce parallélisme phrastique, et souligne l'action. [...]
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