Élément premier de la relation à l'Autre, le langage médiatise une grande part de la « dynamique du conflit et du contrat » selon l'expression de Philippe Bruneau, en ce qu'il permet à la fois de reconnaître dans un parler familier un individu ami, et de démasquer voire stigmatiser l'altérité géographique, sociale, communautaire de l'étranger. Les dialectes arabes sont peut-être un cas d'école de ce paradoxe où deux individus qui pourtant parlent une même langue – car il est universellement reconnu que tous sont également des variétés de l'arabe – se reconnaissent en même temps comme arabophones, et comme étrangers sur nombre d'autres plans. Bien sûr, la première donnée qui saute aux yeux d'un arabophone est l'origine géographique plus ou moins précise : Maghreb ou Mashreq, Etat voire peut-être ville d'origine. Il semble que cette première identification soit une capacité universelle des arabophones, tandis que les détails plus infimes qui individualisent les parlers de deux groupes sociaux (au sens large) soient surtout accessibles aux locuteurs d'une même variété géographique. Mais ne s'agit-il pas d'un biais lié à
l'association systématique d'une langue à une nationalité et à des frontières bien définies, donc à une habitude moderne d'orientalistes trop habitués à la forme de l'Etat-nation ?
[...] De nombreuses études l'ont montré du reste, comme celles sur les parlers féminins à la suite des travaux de William Labov : ainsi l'accentuation de l'imāla (glosée comme une désemphatisation de la 'alif évoluant petit à petit vers un spectre vocalique variant entre le et le est typique du parler féminin en Tunisie, comme l'ont montré Lucienne Saada (Saada 1970) et après elle Keith Walters : Walters (1991) made a quantitative sociolinguistic study of Arabic as spoken in Korba, a small Tunisian town [ ] He found that ima:la is used by older people, less educated people and females (cité dans Bassiouney 2009). Cette imāla est aussi très prononcée au Liban, où elle n'a aucune connotation genrée. [...]
[...] Page Variation géographique, variation sociale Axelle Brémont, DFS de Dialectologie L3 Ainsi, il est toujours impossible de déterminer quelle variété va prendre le dessus : la variété traditionnelle dans la région, ou la variété de l'immigrant ? Bien sûr, la variété la plus ancienne avec les traits les plus ruraux et la plus locale celle qui exprime le terroir, sera privilégiée dans toutes les situations réclamant de mettre l'accent sur une identité nationale ou des racines plus ou moins mythiques. [...]
[...] Les variations sociales ou confessionnelles n'échappent pas à ces faisceaux d'isoglosses et la question est donc moins, par exemple, la propension locale à la prononciation sonore du qâf a-t-elle tendance à être supplantée dans les dialectes confessionnels par la prononciation sourde ? que de déterminer le dénominateur commun géographique minimal de tous ces parlers, quel que soit le groupe confessionnel qui leur est attaché. En effet, ces traits n'entrent pas en conflit les uns avec les autres, mais ils apparaissent ou se distinguent à un moment ou à un autre à partir d'un substrat commun plus ou moins conséquent. [...]
[...] L'auteur insiste à maintes reprises sur le fait que la situation décrite dans ce roman est exceptionnelle, soulignant son propre malaise à utiliser le dialecte domestique dans un contexte multi-confessionnel, même si censé détendu puisqu'entre amis. Mais il est surtout intéressant de remarquer que le besoin de compréhension est totalement indépendant de ce qui fait la nécessité du code-switching : la pratique instaure entre les variétés d'un même dialecte géographique des incommensurabilités qui, au niveau purement linguistique, n'existent pas. Les différences sont indéniables, mais elles ne justifient pas plus le code-switching que ne le justifierait la conversation entre un Syrien et un Libanais. [...]
[...] Page Variation géographique, variation sociale Axelle Brémont, DFS de Dialectologie L3 de lexèmes, voire de morphèmes (Lévy 1998). Par exemple, l'un des traits pré-hilaliens les plus fréquents, outre l'absorption de vocabulaire indigène, est le zézaiement défini par la prononciation du šîn et du jîm. Plus tard, au siècle, une partie des parlers maghrébins a été modifiée par les migrations hilaliennes, occasionnant une séparation encore plus grande des parlers maghrébins de ceux du Mashreq : On a coutume de classer les parlers arabes marocains en citadins ( ḥaḍarī), montagnards (gəblī), bédouins (crōbī), juifs et mixtes (Marrakech) selon la classification de Colin. [...]
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