L'analyse des performances des sujets normaux et des patients cérébrolésés permet de conforter les modèles de l'architecture cognitive ou de les remettre en question. En ce qui concerne le modèle de l'épellation, divers patterns de dysgraphies ont pu être expliqués en émettant l'hypothèse d'un trouble affectant un ou plusieurs de ces composants. La présence de double dissociation entre l'épellation des mots et des non-mots a également renforcé le modèle.
Une partie de la littérature s'est penchée sur l'analyse d'un des composants du modèle, le buffer graphémique, dont le rôle serait de stocker temporairement les informations issues du lexique orthographique de sortie et des mécanismes de conversion graphème - phonème avant que celles-ci ne soient soumises à des mécanismes de traitements plus périphériques, impliqués dans l'écriture manuscrite, l'épellation orale ou encore la frappe à la machine.
Les premières études ont tenté de définir la place et le rôle du buffer graphémique dans le processus d'épellation ainsi que les caractéristiques d'une atteinte de ce composant. Tous les auteurs ne s'accordent cependant pas sur ces caractéristiques ni sur la manière dont les représentations graphémiques sont générées lors du processus d'épellation. Certains auteurs proposent ainsi de distinguer les atteintes en fonction de l'étape du processus touchée. Les performances de certains patients amènent d'autres auteurs à remettre en question la place du buffer graphémique dans le processus d'épellation et à postuler pour un modèle alternatif. Ces divergences sont également confrontées aux succès et échecs des thérapies rééducatives élaborées en référence à ces divers points de vue théoriques.
Dans un second temps, les auteurs se sont attachés à décrire la nature des représentations contenues dans le buffer graphémique. L'hypothèse initiale d'une représentation linéaire comprenant uniquement l'identité des graphèmes et leur ordre a été rapidement évincée pour laisser place à une hypothèse multidimensionnelle. Celle-ci postule que la représentation contenue dans le buffer coderait l'identité d'un graphème, sa quantité, son statut consonne / voyelle et la structure syllabique du mot. Des preuves en faveur de cette hypothèse sont fournies par l'analyse détaillée des performances des nombreux cas uniques de dysgraphie.
Enfin, l'analyse des erreurs contextuelles et non contextuelles s'est révélée une aide précieuse pour établir une distinction entre des atteintes à deux niveaux distincts du processus d'écriture manuscrite. Renforçant l'idée d'une représentation amodale au niveau du buffer graphémique, l'étude de De Partz, Lochy & Pillon (2005) a également permis de préciser la nature des représentations au niveau des processus moteurs périphériques impliqués dans l'écriture.
[...] Tainturier, M.-J., & Rapp, B. (2003). Is a single graphemic buffer used in reading and spelling ? Aphasiology 537- 562. Tainturier, M.-J., & Rapp, B. (2004). Complex graphemes as functional spelling units : Evidence from acquired dysgraphia. Neurocase 122- 131. Venneri, A., Pestell, S.J., & Caffarra, P. (2002). Independant representations for cursive and print style : Evidence from dysgraphia in Alzheimer's disease. [...]
[...] Une atteinte du buffer graphémique produirait donc une altération équivalente des mécanismes impliqués dans l'épellation orale et l'écriture manuscrite. Néanmoins, Lesser (1990) décrit le cas d'un patient présentant une dissociation au niveau des processus périphériques. Ainsi, les performances du patient étaient supérieures en épellation orale par rapport à l'écriture manuscrite. De plus, les deux modalités différaient quant à l'influence des facteurs psycholinguistiques, l'épellation orale étant affectée par la régularité orthographique tandis qu'un effet de longueur et de lexicalité était uniquement présent en écriture manuscrite. [...]
[...] Goodman, R. A., & Caramazza, A. (1986). Dissociation of spelling errors in written and oral spelling: The role of the allographic conversion in writing. Cognotive Neuropsychology 179- 206. Hanley, J.R., & Peters, S. (1996). A dissociation between the ability to print and write cursively in lower- case letters. Cortex 737- 745. Hanley, J.R., & Peters, S. (2001). [...]
[...] (2006). Using orthographic neighbours to treat a case of graphemic buffer disorder. Aphasiology 851- 870. Lambert, J., Viader, F., Eustache, F., & Morin, P. (1994). Contribution to peripheral agraphia: A case of post- allographic impairment? Cognitive Neuropsychology 35- 55. Lesser, R.C. (1990). Superior oral to written spelling: Evidence for separate buffers? Cognitive Neuropsychology 347- 366. [...]
[...] Enfin, la distribution des erreurs en fonction du type de structure rencontrée s'avère également différente. Ainsi par exemple, les échanges de lettres sont moins fréquents en deuxième et quatrième position pour les mots à statut consonne / voyelle simple par comparaison à ceux présentant un statut complexe. Enfin, l'analyse des effets graphotactiques sur la distribution des erreurs atteste d'un taux d'erreurs plus faible pour les clusters contenant des géminés, c'est-à-dire des doubles lettres, dans la quatrième et cinquième position par rapport à des mots n'en contenant pas. [...]
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