En 1830, dès le commencement de la compagne d'occupation française sur l'Algérie, la France par le biais du pouvoir colonial, avait à cœur de désintégrer et déraciner tous les repères sociaux, économiques et culturels de l'identité algérienne pour leur substituer les référents de l'État colonial, symbolisé par la puissance militaire, le pouvoir politique, le pouvoir judiciaire et surtout le pouvoir d'une langue, la langue française, devenus de fait l'instrument des institutions coloniales et le médium par lequel passe désormais la communication entre l'État et ses sujets administrés, ce qui bouleverse totalement la réalité quotidienne de l'Homme algérien. Et dans ce sens-là, le duc de Rovigo confira : « Je regarde la propagation de l'instruction de notre langue comme le moyen le plus efficace de faire des progrès à notre domination dans ce pays. », et ce sont les militaires comme le Général Ducrot, à travers des ordres bien précis relayés aux quatre coins du pays, qui sont aux avant-postes de cette politique : « Entravons autant que possible le développement des écoles musulmanes, des Medersas […] Tendons, en un mot, au désarmement moral et matériel du peuple indigène » (cf.Lachref, 1974).
Des écoles françaises coloniales furent inaugurées en grande pompe un peu partout en Algérie au détriment des médersas et des zaouïas qui furent combattues, jusqu'à leur quasi-disparition. Alger Oran, Mostaganem, Constantine, Bône et Bougie, désormais chaque ville avait sa propre école pour faire connaitre les vertus de la langue française aux populations indigènes de l'époque malgré les réticences des colons de l'époque. Mais elles étaient très tôt rejetées par tous les Algériens. Assimilée à une œuvre d'évangélisation et crainte pour ses risques d'assimilation, et son caractère gratuit financé par le pouvoir en place ne fera que raviver leur scepticisme fondé, l'école coloniale a entrainé la population vers un retour aux racines de leur culture arabo-berbère pour mieux se protéger de ce grand rouleau compresseur que représente l'état colonial, dans sa volonté de combattre et de déraciner les populations conquises, considéré comme races inférieures dont il se devait de civiliser, pour mieux régner.
Néanmoins, bien plus tard, après la Première Guerre mondiale, et encore plus après la deuxième, une littérature algérienne en langue française aussi riche que variée émergea sous la houlette d'écrivains algériens indigènes ayant côtoyé les rangs des écoles françaises, de grandes œuvres littéraires virent le jour, sous le signe commun d'un nationalisme naissant. C'est ainsi que de talentueux écrivains tels que, Kateb Yacine (1929-1989), Mohamed Dib (1920-2003), ou Mouloud Feraoun (1913-1962), dont les œuvres comme Nedjma (1956), la grande maison (1952) ou dans le fils du pauvre (1950), racontaient la misère qui était le quotidien du peuple algérien, dans un français littéraire qui n'a rien à envier aux grands auteurs métropolitains, et ainsi annonçaient les prémices d'un soulèvement tout proche, qui allait déboucher par une improbable indépendance de l'Algérie.
Et cette littérature-là ne cessera jamais de prendre en dimension, jusqu'à être reconnue et adoubée par les écrivains du cercle parisien même.
[...] Et vouloir introduire la langue arabe dans l'enseignement des matières scientifiques et techniques était une démarche suicidaire. D'un côté, cette langue accuse un retard grave dans le domaine de la terminologie scientifique à cause du retard accusé par les Arabes eux-mêmes dans les domaines de la technologie et de la recherche. Pour se développer dans ce sens, la langue arabe devait suivre en elle-même un développement des savoirs et recherches de surcroit pour pouvoir enrichir sa terminologie scientifique, ce qui n'était pas le cas de l'Algérie et des autres pays arabes. [...]
[...] Cela sous-entend évidemment que tout usage de la langue française devient interdit. Cette loi ne sera jamais appliquée ; elle sera très vite abrogée et qualifiée de scélérate et d'antidémocratique par nombre de responsables politiques de l'époque comme Houcine Ait Ahmed leader du FFS. Et dans les années 2000 le mouvement d'arabisation ne s'est pas essoufflé pour autant, malgré cette bataille perdue d'avance que prônent les décideurs au pouvoir, et c'est aux écoles privées que l'amovible ministre de l'éducation nationale A.Benbouzid s'est attaqué, leur demandant de dispenser leurs cours en arabe sous risque de fermeture, ce dernier pour qui l'intérêt de l'enfant algérien réside dans la langue arabe. [...]
[...] La politique d'arabisation et francophonie en Algérie Introduction La langue française reste un butin de guerre. A quoi bon un butin de guerre, si l'on doit le jeter ou le restituer à son propriétaire dès la fin des hostilités ? Cette citation de Kateb Yacine, immense écrivain algérien, illustre bien ce que devait initialement représenter la langue française à l'Algérie nouvellement indépendante ; c'est-à-dire un billet d'entrée aux savoirs de l'occident et à la culture française ; lui permettant ainsi de rejoindre le concert des nations modernes, et s'épargner les tourbillons et tergiversations qui lui ont fait défaut pour prendre son essor, ce qui est naturel pour un peuple profondément marqué par l'empreinte de la culture française dont la langue est l'élément le plus saillant, après cent trente- deux ans d'emprise coloniale de la France. [...]
[...] Et comme effet de dominos oblige, les animateurs de télé ou de radios n'hésitent plus à utiliser souvent certains mots français devenus commun en Algérie. Et dernier phénomène pour le moins notable, c'est la naissance d'une langue appelée souvent le francalgérien français-algérien qui date approximativement de la fin 1980-début 1990 et qui ne fait que gagner de plus en plus en ampleur. Elle résulte du désir de la réappropriation de la langue française et en même temps de l'arabe, qui ont provoqué une création lexicale sans précédent, mais surtout une hybridation lexicale aussi. [...]
[...] Alger: Editions du Tiers Monde 174p. - Quitout Michel. Paysage linguistique et enseignement des langues au Maghreb, des origines à nos jours, L'amazighe, l'arabe et le français au Maroc, en Algérie, en Tunisie et en Libye. Paris: L'Harmattan 174p. Publications et articles de presse: - Blidi Amel. Abdel-Rezak Dourari "La politique Linguistique a inculqué la haine de soi". [...]
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