L'objet central de notre étude portera essentiellement sur la relation entre la pensée et le langage. Pour cela, nous nous baserons sur les théories de la linguistique qui, forte de son succès depuis des siècles, a réussi à instaurer un dogmatisme puissant, agissant fortement sur nos mentalités et refusant toute objection. En effet la philosophie contemporaine s'est beaucoup inspirée de la linguistique.
La théorie de l'arbitraire du signe de Saussure est un dogme indiscutable, mais plus encore, c'est sa théorie de la relation entre signifiant et signifié qui est devenue le dogme du dogme. Le grand représentant de cette linguistique incontestable est l'intellectualisme, que l'on retrouve par exemple chez Hegel, dont l'autorité est également incontestée. L'intellectualisme affirme en bloc qu'il n'y a pas de pensée sans langage, et tout cela, sans objections possibles. Ces thèses se basent par exemple sur l'étude des animaux qui sont inaptes à penser, car ils ne parlent pas. La pensée serait donc inséparable et dépendante du langage, comme prise au piège par celui-ci.
Cependant, le recours à l'observation de notre pensée, mais aussi de la multitude de cas particuliers que nous pouvons rencontrer au cours de nos vies montre qu'il existe des cas où la pensée, la compréhension interne de notre monde est possible indépendamment du langage. Pour cela, nous nous sommes essentiellement basés sur l'étude de l'aphasie, maladie qui entre en total désaccord avec les thèses intellectualistes. L'expérience nous montre qu'un aphasique n'est pas dépourvu de pensée.
[...] Edwin Alexander (philosophe atteint d'aphasie) va même jusqu'à dire : je possédais encore les concepts, mais non le langage. J'avais la compréhension du monde, de moi- même, et des relations sociales, sans rien savoir, en fait, de la grammaire ni du vocabulaire Ces cas nous invitent à une réflexion sur la pensée non verbale. Cette observation nous montre qu'il peut exister des situations dans lesquelles la compréhension est possible indépendamment du langage. L'aphasie ne se traduit pas une dissociation du signifiant et du signifié. [...]
[...] Par exemple, notre peau bronze au soleil. Quel est ici le rôle de la génétique ? La génétique détermine-t-elle entièrement la capacité de bronzer ? Ou bien certains peuvent-ils augmenter cette capacité ? Dans ce dernier cas, les facteurs génétiques interviennent évidemment à un niveau logique supérieur. La question relative à tout comportement n'est évidemment pas: “Est-il appris ou inné mais plutôt: “Jusqu'à quel niveau logique supérieur l'apprentissage agit-il et, en sens inverse, jusqu'à quel niveau la génétique peut-elle jouer un rôle déterminant ou partiellement efficace ? [...]
[...] Dans le cas d'un aphasique, il est clairement démontré que la pensée intime préexiste au langage. Il existerait alors une intelligence non verbale, capable de percevoir et penser intuitivement sans avoir recours au mot (son existence n'en demeure pas moins complexe). Saussure a affirmé dans ses Cours de linguistique générale (1916) que le signifiant et le signifié étaient comme les deux faces d'une même feuille de papier, on ne peut découper l'une sans découper l'autre. L'expérience des aphasiques démontre clairement le contraire, ou sans être forcément atteintes d'aphasie, certaines personnes atteintes de maladies graves ne présentent aucune séquelle au niveau de leur intelligence, ainsi que des expériences de la vie courante comme les lapsus qui n'empêchent généralement pas la compréhension d'un discours. [...]
[...] Le mot n'est pas la chose. L'intuition première, l'intelligence pure n'est pas verbale. A partir du moment où l'on ressent le besoin de communiquer, il faut que la pensée entre en contact avec le langage, passer par les mots pour la formaliser. Cependant si la chose n'est pas le mot, donc que la pensée n'est pas emprisonnée par le mot et sa signification, il n'empêche en rien qu'elle ait une portée universelle ; mais ce qui fait toujours obstacle est le dogmatisme linguistique incorporé depuis des siècles dans nos mentalités et qui refuse d'affirmer l'indépendance de la pensée et du langage. [...]
[...] On s'en rend compte par exemple lorsque l'on veut décrire un état ou un sentiment que l'on aura éprouvé brusquement. On peut dès lors en distinguer 3 choses : Le vécu immédiat est personnel, si le langage l'interprète c'est qu'il se veut impersonnel. Le sentiment est singulier, propre à moi, et lorsqu'on en parle, ou bien formulé autrement lorsqu'on met des mots sur un sentiment, le mot ayant un caractère général et abstrait, le langage est donc général. Le sentiment est subjectif, et sa transcription par le langage m'oblige à une certaine objectivité. [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture