Le langage nous est tellement familier, nous l'utilisons si spontanément, qu'il est parfois difficile d'en repérer les différents usages ou la portée profonde. S'il est presque évident que, dans la vie quotidienne, nous l'employons pour communiquer avec les autres, il est vraisemblable que ce n'est pas sa seule fonction. La fonction de communication du langage, fondamentale pour l'homme, est devenue tellement importante pour les linguistes contemporains que toutes les autres fonctions du langage apparaissent comme de simples « variantes », des additions ou des annexes.
Le langage permet-il seulement de communiquer ?
[...] On se trouve ainsi au plus loin des exigences de la communication immédiate, qui suppose un usage ustensilaire de la langue Passe-moi le sel et l'on admet volontiers que la fonction poétique inverse les relations normales entre le signifiant et le signifié alors que, dans le langage quotidien, c'est le signifié qui doit être perçu en premier parce que c'est bien lui qui assure la communication, c'est au contraire le signifiant qui passe au premier plan dans la poésie, ou même, plus généralement dans la littérature. Conclusion Que le langage permette de communiquer, c'est d'une certaine façon l'évidence (sinon, à quoi bon rédiger une dissertation ? Mais là n'est pas son unique fonction Dans la mesure où il instaure un rapport au monde et à l'autre en même temps qu'il met en circulation du sens, le langage, au-delà des exigences de la communication immédiate, ouvre le champ d'une interprétation qui prend une ampleur variable selon la position relative qu'occupent signifiants et signifiés dans le discours. [...]
[...] Langage et repérage du monde Du monde, ou du réel nous ne pouvons dire que ce que nous savons nommer Complémentairement, nommer les choses, c'est en sous- entendre une connaissance au moins partielle, puisque nous savons les isoler des autres. Il suffit que je me promène dans une forêt avec un spécialiste en botanique pour constater qu'il connaît beaucoup mieux les espèces végétales que moi, dans la mesure où les noms qu'il leur attribue supposent qu'il soit capable de les distinguer, alors qu'à mes yeux, et en fonction de la pauvreté de mon vocabulaire dans ce domaine, il n'y a que des arbres ou des buissons Aussi peut-on noter que les scientifiques inventent les mots dont ils ont besoin en fonction de l'avancée de leur savoir (et le vocabulaire scientifique est même celui qui s'enrichit dans les proportions les plus notables). [...]
[...] Mais penser, au sens le plus quotidien et sans qu'il s'agisse nécessairement d'élaborer de vastes théories, suppose en fait que l'on maîtrise d'une certaine façon un monde qui n'est pas là. Le langage confère une présence au monde absent. Sa dimension essentiellement symbolique m'autorise à parler des choses ou des êtres lorsqu'ils ne sont pas devant moi. Et cette distance à laquelle se tient le réel relativement à celui qui en parle peut croître jusqu'à être particulièrement marquée. Tel est bien le cas où se trouve la parole poétique, précisément parce qu'elle se préoccupe avant tout de travailler les formes de la langue, indépendamment de ses référents ordinaires. [...]
[...] Mais cela ne signifie pas que l'on aurait pensé avant de formuler cette pensée première dans des mots. On doit au contraire admettre que le langage intervient dans l'élaboration de la pensée, ou si l'on préfère du pensable. La situation de l'enfant en témoigne, qui ne peut réfléchir ou penser au-delà des mots qu'il connaît, mais on aurait tort de croire qu'ultérieurement l'adulte échappe à cette détermination. Aussi Hegel a-t-il fortement souligné les liens qui existent entre le langage et la pensée : cette dernière serait incapable de parvenir à maturité sans les mots, elle ne serait qu'une vague pré-pensée obscure à elle-même et sans intérêt. [...]
[...] Le langage permet-il seulement de communiquer ? Le langage nous est tellement familier, nous l'utilisons si spontanément, qu'il est parfois difficile d'en repérer les différents usages ou la portée profonde. S'il est presque évident que, dans la vie quotidienne, nous l'employons pour communiquer avec les autres, il est vraisemblable que ce n'est pas sa seule fonction. I. La communication : fonction première du langage Sous sa forme première, c'est-à-dire orale, ou par sa transposition écrite, le langage nous permet de dire à autrui ce que nous avons envie ou besoin de lui faire savoir, et réciproquement de prendre connaissance de ce qu'il veut nous communiquer Car il n'y a communication au sens propre que si les interlocuteurs échangent des messages en se répondant l'un à l'autre Cette fonction première du langage pour l'homme a été repérée depuis l'Antiquité, et les linguistes contemporains confirment son caractère fondamental au point que, de leur point de vue, toutes les autres fonctions du langage ne sont que des variantes des additions ou des annexes de cette fonction de communication La communication ne suppose cependant pas l'égalité entre les interlocuteurs (cas des ordres donnés à un inférieur de quelque point de vue que ce soit), ni qu'on se préoccupe automatiquement de formuler et de transmettre des ventés on peut aussi facilement communiquer en mentant, et la réussite d'un mensonge (le fait qu'il est cru) peut même donner le sentiment d'une communication particulièrement efficace et persuasive C'est pourquoi, même pour communiquer (et selon la nature de ce que l'on désire communiquer), il peut être nécessaire d'ajouter au message brut une forme plus recherchée que le demanderait la simple transmission d'une information il y a une rhétorique de l'oralité (l'insistance sur certains mots, le débit plus ou moins rapide, etc. [...]
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