Etant donnée l'envergure et la fréquence de la polysémie, on est presque surpris de voir qu'elle compromette si peu le fonctionnement du langage. C'est le contexte qui obvie normalement à toute possibilité d'équivoque. Comme l'a bien dit Bréal : on n'a même pas de la peine de supprimer les autres sens du mot : ces sens n'existent pas pour nous, ils ne franchissent pas le seuil de notre conscience. Ni le nombre ni l'incompatibilité des acceptions n'entraîne nécessairement l'ambiguïté.
Il paraît donc que la langue s'offre à bon marché l'énorme économie lexicale que permet la polysémie. Le français utilise à fond ces possibilités. Langue « abstraite », il abonde en termes généraux, se prêtant à des emplois multiples qui donnent naissance à des nuances et des acceptions toujours nouvelles. Langue de l'arbitraire, il peut changer ses mots immotivés, dépouillés d'associations formelles, des sens les plus diverses.
Cette souplesse sémantique est une sorte de compensation pour la pauvreté relative de la dérivation et la composition. Le rôle structural de la polysémie a un corollaire significatif, c'est-à-dire qu'il restreint encore l'autonomie sémantique du mot et rehausse l'importance du contexte. Exposé aux risques de l'ambiguïté, le mot français ne se laisse souvent interpréter que par rapport à son entourage.
Pour continuer avec l'étude de la polysémie pathologique il faut citer la définition de ce phénomène : Mais si le mécanisme fonctionne d'habitude avec une efficacité remarquable, il est des cas où il prête à l'équivoque et induit en erreur. De telles situations pathologiques peuvent surgir de plusieurs façons.
En lisant cette définition, on aperçoit facilement que Ullmann insiste sur le contexte dans lequel se trouve le mot parce que celui - là 'actualise' le sens approprié du mot. Le mot isolé n'a pas aucun sens, le contexte est le porteur de sens caché sous la forme orthographique d'un mot (...)
[...] Celui-ci a quitte les champs pour entrer dans les villes et les palais. En la langue d'aujourd'hui, ces deux extrêmes se touchent encore: la basse-cour tient à l'usage primitif, et la cour des princes, à l'usage dérivé. Une fausse étymologie, qui naquit dans le quatorzième siècle et tira notre mot de curia, y supprima le mais outre que le t figure dans les dérives, courtois, courtisan, curia devrait donner non pas cour, mais cuire ou coire. Nous avons laisse la bonne orthographe des douzième et treizième siècles (court), et garde la mauvaise du quatorzième siècle; si bien qu'il est devenu difficile de comprendre comment, organiquement, on a fait pour former le dérive courtisan; et l'usage est assez penaud quand on lui représente que courtisan jure avec cour ainsi travesti Il y a des cas de polysémie intolérable où la langue ne sacrifie pas tout de suite les éléments compromis. [...]
[...] Ce qui attaque à une pointe qui pique, et le passage de l'un a l'autre sens n'est pas difficile. D'autre part, il n'est pas douteux que tache, au sens de ce qui salit, ne soit une autre face de tache au sens de ce qui fixe ou se fixe. De la sorte on a la vue des amples écarts qu'un mot subit en passant du simple au compose, avec cette particularité ici que le sens demeure en usage dans le simple disparait dans le compose, et que le sens qui est propre au compose a disparu dans le simple complètement. [...]
[...] La première, c'est qu'ils sont étymologiquement identiques, ne différant que par la prononciation; attaquer est la prononciation picarde d'attacher. La seconde est que, tache et tacher étant les simples de nos deux verbes, les composes attacher et attaquer ne présentent pas, en apparence, dans leur signification, de relation avec leur origine. Il n'est pas mal a l'usage d'user de l'introduction irrégulière et fortuite d'une forme patoise pour attribuer deux acceptions différentes a un même mot; et même, a vrai dire, il n'est pas probable, sans cette occasion, qu'il eut songe a trouver dans attacher le sens d'attaquer. [...]
[...] - Cour y avait dans le latin un mot cohors ou chors qui signifiait enclos. Il se transforma dans le bas latin en curtis, qui prit le sens général de demeure rurale. Devenu français, il s'écrivit, étymologiquement, avec un court, et figure sous cette forme dans maints noms de lieux, en Normandie, en Picardie et ailleurs. Comme, sous les Merovingiens et les Carolingiens, les seigneurs et les rois habitaient ordinairement leurs maisons des champs, court prit facilement le sens de lieu ou séjourne un prince souverain. [...]
[...] Mais le sens principal de ce mot fut ‘condamné'. Aujourd'hui ce terme porte le sens de 'cas de déclinaison qui sert à exprimer principalement l'objet direct'. - l'expression tout faite 'avoir le cafard fut interprétée dans une version étrangère d'un roman français comme il s'agissait de 'la blatte' - le mot 'engaged' [11]en anglais a la double signification de 'occupé' et 'fiancé', mais en français seulement une signification, celle de 'fiancé' - le mot latin 'salus' - dans une conversation entre un païen et un chrétien, le premier le prend au sens de «senté» , tandis que le second le transpose sur le plan moral - le mot 'lecteur' en français peut signifier ‘čitatelj, lektor‘ tandis qu'en anglais cette forme indique seulement ‘locuteur natif adjoint à un professeur de langue vivant, dans une université - le mot 'nouvelle' en français peut signifier ‘annonce d'un événement récent, brève composition littéraire de fiction‘[13] tandis qu'en italien porte seulement le sens de brève composition littéraire de fiction' - le mot ' rivière ' en français porte les suivantes significations cours d'eau de moyenne importance, collier de diamants montés dans des chatons [14]tandis qu'en italien porte la suivante paysage proche à la mer‘. [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture