Lettres persanes, Lettre LXVI - Montesquieu (1721) - Quelle(s) conception(s) du livre et de la science le regard étranger et la liberté de ton de Rica tendent-ils à défendre en ce début de Siècle des Lumières ?

Thèmes abordés

Les Lettres Persanes, Montesquieu, roman, siècle des lumières, savoir, satire, connaissance

Résumé du document

En 1721, il publie sa première oeuvre littéraire, « Lettres persanes », un roman épistolaire à l'origine de sa célébrité, sous le nom de Pierre Marteau pour échapper à la censure. Montesquieu fait preuve d'un esprit engagé et, a fortiori, son oeuvre l'est aussi. Quant à l'analyse linéaire, elle concerne la lettre LXVI, dans laquelle Rica est stupéfait de constater que certains hommes écrivent des livres sans raisonner, sans apporter un quelconque savoir, souvent en se servant dans d'autres ouvrages, en ce siècle des Lumières prônant les sciences, le progrès.

Extraits

[...] Le fait d'être outré illustre aussi l'innocence, la naïveté et le manque de savoir sur la culture européenne de Rica qui la découvre avec stupéfaction. Implicitement, cette lettre rappelle la conception de la science en tant que résultat d'un raisonnement et d'expériences et celle du livre comme témoin de se savoir dans le temps défendues par le regard étranger et la liberté de ton de Rica. III. Conclusion En conclusion, la lettre LXVI des « Lettres persanes » de Montesquieu aborde une thématique très en vogue au XVIIIe siècle, période durant laquelle les romans ayant pour sujet l'orientalisme et les voyages prolifèrent. [...]

[...] De plus, de manière implicite, on devine le degré d'intensité du mépris de Rica envers les compilateurs avec l'utilisation du champ lexical religieux avec « profanation » (l.15) pour désigner l'action de compiler, « sanctuaire » (l.16) en référence aux livres originaux. Montesquieu, via Rica, dévoile ainsi son rapport sacré au livre en ce début de Siècle des Lumières. 4. Proposition d'un nouvel ordre par Rica. (l.18 à l.24) Quant au quatrième mouvement, en raisonnant par l'absurde, Rica propose « un nouvel ordre », une nouvelle définition du savant. [...]

[...] L'immortalisation du vécu d'un sot au travers des livres est paradoxale au caractère éphémère qu'il devrait avoir. (l.7 à l.10) Avec le verbe « tourmenter » Rica résume dans sa lettre l'intention du sot vis-à-vis des races futures en écrivant des livres. Cependant, il met en évidence le ridicule de la situation et manifeste aussi son désaccord avec « devrait » (l. au conditionnel présent, utilisé pour marquer notamment le reproche. Les deux points (l.8) annoncent une explication plutôt ironique du désaccord de Rica en explicitant la volonté d'un sot notamment avec des antithèses « (?) il veut que sa sottise triomphe de l'oubli » ou encore « dont il aurait pu jouir comme du tombeau? » (l.9) et en conférant un caractère intemporel à son vécu ridicule via le livre avec l'utilisation d'un champ lexical exprimant l'intemporalité comme « immortalisent » « futures » « postérité » (l.10) et « à jamais » (l.10). [...]

[...] L'impact temporel du livre impliquait par conséquent pour Montesquieu via son personnage Rica la nécessité de faire preuve de raisonnement et d'expérience dans l'écriture des livres. Un rapport sacré au livre qui transmet un savoir évoluant en permanence exclut indéniablement les compilateurs et ceux qui utilisent l'art de l'écriture pour transmettre un contenu similaire à la bêtise humaine, c'est-à-dire dépourvu d'un quelconque intérêt. C'est avec un humour satirique que Montesquieu, penseur politique et précurseur en philosophie, en sociologie, enrichi de l'expérience de ses nombreux voyages, tente de sensibiliser le lecteur à ce qui est blâmable dans la réalité. [...]

[...] Interrogation sur la sagesse des Français. (l.1 à l.3) Au préalable, dans la lettre LXVI, Rica commence par une introduction qui soulève le questionnement quant à la sagesse des Français. À cette fin, il aborde avec clairvoyance une des caractéristiques essentielles du mouvement des Lumières, en pleine effervescence au XVIIIe siècle, c'est-à-dire le savoir dont il utilise le champ lexical avec « sciences » (l.1) et « savant » (l.1). Il en souligne l'importance au sein de cette société avec le verbe « attacher » (l.1) conjugué au présent. [...]