En France, les Fables de la Fontaine sont un élément incontournable de la littérature et constituent la principale œuvre poétique du classicisme. Tantôt utilisées pour instruire les plus jeunes, tantôt travaillées plus tard dans un but purement littéraire, les fables ne sont pas seulement de courts récits plaisants à la portée didactique. Elles sont aussi le symbole même de l'apologue, en visant, sous des apparences ludiques et légères une véritable critique de la société, notamment grâce à leurs illustres morales. La Fontaine est l'un des plus célèbres auteurs français du XVIIe siècle, il vivait en grande partie à la Cour du Roi Soleil et s'inspira des Fables d'Esope pour faire la satire de la société dans laquelle il vivait, des courtisans qu'il côtoyait. « Les animaux malades de la peste » (que l'on nommera TS) est l'une des fables les plus célèbres de Jean de la Fontaine, elle dénonce l'injustice, l'hypocrisie et la flagornerie et présente une morale explicite à la fin.
Félix María Samaniego, auteur de « Los animales con peste » (que l'on nommera TC1) est un poète fabuliste espagnol de la deuxième partie du XVIIIe siècle dont l'éducation fut dans un premier temps française. Il contribua au développement de l'enseignement dans les classes pauvres et eut une influence considérable sur les progrès des lettres en Espagne en faisant partie des sociétés patriotiques sous le règne de Charles III. Il rédigea de nombreux pamphlets mais aussi cent cinquante-sept fables, dont beaucoup sont inspirées étroitement de celles de La Fontaine sans en être des traductions à proprement parler, c'est pourquoi nous en ferons le commentaire que partiellement.
« Los animales enfermos de la peste » de Lorenzo Elizaga (TC2), bien que plus archaïsante d'apparence est plus récente que la version de Samaniego. Elle est issue d'un recueil intitulé Fábulas de Jean de la Fontaine traducidas en verso castellano por Lorenzo Elizaga. Il semble que cet ouvrage soit le seul d'Elizaga, sur lequel on ne trouve aucune information biographique.
La dernière traduction, très récente, de Teodoro Llorente Olivares (TC3) s'intitule aussi « los animales enfermos de la peste ». L'édition dans laquelle elle apparaît semble être plutôt destinée à un jeune public et est illustrée des gravures de Gustave Doré comme dans la plupart des versions illustrées des Fables originales, même si elles sont colorisées dans l'édition espagnole de deux-mille-huit.
[...] Faire la guerre est traduit dans le TC2 par combatir ce qui semble assez fidèle. Cependant, la présence de l'adjectif qualificatif pobres qui se retrouvera à plusieurs reprises transcrit une empathie absente dans le Texte source. Le verbe diezmar du TC3 me semble intéressant, car s'il traduit les ravages provoqués par une guerre ou une épidémie, il peut également signifier le fait de punir une personne sur dix quand on ne connaît pas le véritable coupable, ce qui peut s'avérer être une anticipation quant au texte. [...]
[...] Analyse de trois traductions espagnoles de la fable Les animaux malades de la peste de la Fontaine Texte Source : Les animaux malades de la peste Un mal qui répand la terreur, Mal que le ciel en sa fureur Inventa pour punir les crimes de la terre, La Peste (puisqu'il faut l'appeler par son nom) 5Capable d'enrichir en un jour l'Achéron, Faisait aux animaux la guerre. Ils ne mouraient pas tous, mais tous étaient frappés : On n'en voyait point d'occupés À chercher le soutien d'une mourante vie ; 10Nul mets n'excitait leur envie ; Ni Loups ni Renards n'épiaient La douce et l'innocente proie. [...]
[...] Les vers 17 à 20, annonçant l'idée de sacrifice, sont traduits littéralement par le TC3 qui montre simplement une syntaxe plus contemporaine et surtout prosaïque. On note toutefois l'emploi du subjonctif présent obtenga pour le futur hypothétique de La Fontaine qui s'explique par le fait que l'espagnol utilise ce mode pour dire ce qui a une existence incertaine dans le futur. Dans le TC2 Elizaga a contourné légèrement le problème en faisant le choix d'employer tal vez qui accepte d'être suivi par un indicatif, les chances de réalisation de l'événement étant plus grandes, peut-être se montre-t-il plus optimiste que ne l'était La Fontaine. [...]
[...] En français, la fable est rédigée en alexandrins et en octosyllabes, ainsi qu'un vers trisyllabique. Le TC1 et le TC2 sont eux rédigés en hendécasyllabes et en heptasyllabes. La disparition du trisyllabique n'est pas la seule distinction à commenter. En effet, si l'on peut remarquer une différence d'un pied entre l'alexandrin français (douze syllabes) et l'hendécasyllabe espagnol (onze syllabes) il faut signaler que culturellement, ces deux vers sont probablement plus proches que l'auraient été l'alexandrin et l' alejandrino qui comporte quatorze syllabes. [...]
[...] Sire, dit le renard, vous êtes trop bon Roi ; 35Vos scrupules font voir trop de délicatesse ; Eh bien, manger moutons, canaille, sotte espèce, Est-ce un péché ? Non non. Vous leur fîtes Seigneur En les croquant beaucoup d'honneur. Et quant au berger, l'on peut dire 40Qu'il était digne de tous maux, Étant de ces gens-là qui sur les animaux Se font un chimérique empire. Ainsi dit le renard, et flatteurs d'applaudir. On n'osa trop approfondir 45Du Tigre, ni de l'Ours, ni des autres puissances Les moins pardonnables offenses. [...]
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