« Si l'on prenait en compte sérieusement, effectivement, pratiquement la psychanalyse, ce serait un tremblement de terre à peu près inimaginable. Indescriptible. Même pour les psychanalystes. »
[...] Il ne serait plus dupe des efforts du marketing et des commerciaux, pour traquer dans nos moindres gestes et nos moindres recherches sur les réseaux nos centres d'intérêt, afin de mieux cibler nos désirs enfouis, et nous inciter à y laisser libre cours. C'est toute la boulimie de consommation des peuples des sociétés industrielles qui serait menacée par une telle claire-voyance, et celle-ci pourrait tout simplement gripper le fonctionnement de la société de croissance. Cela n'est pourtant que la partie immergée de l'iceberg, la partie la plus connue. Mais évoquons également un autre pouvoir régnant dans nos sociétés « avancées », un pouvoir non pas économique cette fois, mais un pouvoir techno-scientifique. Le pouvoir des gens qui savent. [...]
[...] Il est bien sûr évident, que si au lieu de faire répéter aux enfants des classes des pays industriels, ces fables scientifiques qui structurent notre culture (comme par exemple, le Big Bang, les atomes, l'évolution des êtres vivants par mutation aléatoire et sélection naturelle des plus adaptée), l'on présentait ces propositions comme ce qu'elles sont : des hypothèses, peut-être vraie, mais peut-être pas, certes cohérentes, utiles et dignes de considérations, mais en aucun cas absolument certaines, l'aura du discours scientifique, et donc son pouvoir dans notre société, perdrait de sa superbe. On se permettrait moins, peut-être, de prendre des décisions influençant des millions de personnes en arborant des études scientifiques, des chiffres, des statistiques, donnant à accroitre que l'on sait ce qui est le meilleur pour tous. Pour autant, nous ne serons pas de ceux qui voudraient détruire et voir disparaître toute présence dans la vie humaine de ces croyances, de ces mythes, de ces fables, Legendre dirait, de ces dogmes, qui contribuent au pouvoir de l'homme sur l'homme. [...]
[...] Ce n'est pas par l'argumentation, par le discours raisonnable, que l'on convainc les populations de rentrer dans le système : avoir leur pavillon, avec leurs autos, leur cuisine Mobalpa, leur canapé, leur écran géant, etc . Ce n'est pas en s'adressant à leur rationalité que l'on agit sur eux, mais précisément en jouant sur leur inconscient, siège des désirs refoulés, des rêves, des fantasmes. Alors, évidemment, si l'on prenait sérieusement en compte, pratiquement, la psychanalyse, cette comédie qu'est la société de consommation pourrait effectivement s'ébranler. D'aucuns pourrait réaliser que ce qu'il recherche en vain n'est qu'un succédané de bonheur. [...]
[...] La société, pour être, a besoin de ce fonder sur un tel terreau. De la même manière qu'un patient va chez le psychanalyste pour faire remonter à sa conscience quelque chose de son inconscient qui l'empêche d'être et qu'il ne s'agit nullement, pour le soigner, de travailler à éradiquer en lui tout inconscient, car certains de ces rêves, de ces fantasmes, sont pour lui structurant ; de la même manière il ne peut s'agit de détruire dans une société humaine tout mythologie pour elle structurante. [...]
[...] Même pour les psychanalystes ». La psychanalyse a révélé au public l'existence en l'homme de l'inconscient, en une époque où dominait une foi partagée en la toute puissance de la Raison humaine. Il y eut bien un tremblement de terre théorique, une fissure ouverte au cœur de l'apogée du rationalisme, brèche dans laquelle les arts s'engouffreront (peinture moderne, surréalisme, etc . Cependant ce tremblement de terre n'a pas atteint semble-t-il le cœur du pouvoir de nos sociétés industrielles modernes, pouvoir scientifique, technique et économique. [...]
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