Métapsychologie, Freud, Deuil et mélancolie, psychanalyse, Philosophie, mort, amour, liberté, inconscient, anthropologie dogmatique, deuil, Pierre Legendre, Heidegger
Nous souhaiterions commencer notre réflexion en clarifiant la méthode que nous entendons suivre dans notre manière de commenter le texte de Freud. Commenter, cela signifie bien sûr être près du texte, et suivre pas à pas la pensée de l'auteur. C'est ce que nous ferons ici en procédant à une analyse linéaire du texte proposé. Cela étant, nous pourrions ensuite expliciter toujours davantage la pensée de Freud, en renvoyant, pour chaque notion que nous rencontrerions au fil du texte, à la manière dont Freud, dans sa théorie psychanalytique, les a développé et approfondi dans d'autres de ses écrits. Car ce texte extrait de Deuil et Mélancolie est riche de notions clés de la psychanalyse : la mort, l'amour, la perte, la liberté, l'inconscient : il serait ainsi tout à fait loisible de commenter ce texte en renvoyant à chaque fois sur ces concepts à l'entente qu'en a la théorie psychanalytique. Mais là ne sera pas notre manière de procéder.
[...] Il y a évidemment des raisons pour cela, qui tiennent à l'histoire et à la philosophie des sciences, la principale étant que les sciences de la vie se sont constituées sur une base physico-chimique, dans lequel l'organisme est compris comme agencement, assemblage d'atomes et de molécules, qui eux, par définition, sont éternels, selon la formule que nous devons au père de la chimie moderne : rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme . Le fait est donc bien, en accord avec Freud et Legendre, que nous vivons, à notre insu ou pas c'est selon chacun, dans une culture qui véhicule un discours sur le vivant en tant que tel, discours communément admis et institué comme référence en ce domaine, mais discours qui élude et passe sous silence la question de la mort. [...]
[...] Conter sa propre histoire Comment, maintenant, ce travail de deuil s'opère-t-il ? Comment travailler sur cette douleur qui nous habite et nous déchire au moment de la mort d'un être aimé ? Freud nous donne cette indication tirée de ses observations : Chacun des souvenirs, chacun des espoirs par lesquels la libido était liée à l'objet est mis sur le métier, surinvesti et le détachement de la libido est accompli sur lui . Quelques remarques pour commencer. Il est question de souvenirs et d'espoirs : autrement dit de deux horizons du temps ; les souvenirs, qui orientent vers le passé, et l'espoir, qui ouvre vers l'avenir. [...]
[...] Comment interpréter ce phénomène ? Scientifiquement, nous ne le pourrions pas. Il ne peut y avoir de connaissance objective d'un phénomène où il n'y a précisément pas d'objet ! On ne peut atteindre par la Science, qui est une savoir de l'étant, un domaine où justement il n'est pas question d'étant. On ne peut pas espérer par la méthode cartésienne parvenir à une connaissance claire et distincte , concernant un phénomène qui, précisément, se présente au contraire à nous d'une manière diffuse et obscure. [...]
[...] Mais, deuxième point : l'homme est un être doué de parole, un être qui a la parole en partage. Ou, pour le dire encore plus justement : c'est la parole qui nous fait être , dit Heidegger. En amenant ces souvenirs et ces espoirs à la parole, le sujet vit cette temporalité qui lui est propre sur un mode proprement humain, à savoir celui du Logos. Il ne s'agit pas alors simplement de ce remémorer des images et des émotions. [...]
[...] Est-il possible dès lors, à partir de ces indications sur une entente philosophique possible de ce qu'est véritablement l'amour, d'expliquer cette douleur qui nous saisit lorsque nous perdons un être cher, un être aimé, parent, enfant, frère, sœur ou ami ? Nous pouvons risquer l'approche suivante : cet être qui me nourrissait dans mon être du simple fait de sa présence, le voilà qui, disparu, laisse un abîme en moi. Ce n'est pas mon désir qui ne sait plus sur quel objet se projeter, c'est mon être même qui se trouve amputé par cette disparition. Le parler populaire est ici évocateur quand il dit à propos de celui qu'il aime : j't'ai dans la peau . [...]
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