De prime abord on se demande clairement en quoi ce sujet est philosophique. A part le mot « mal », ici employé pour qualifier la calligraphie des médecins, il n'y a aucun concept philosophique à proprement parler dans le sujet. Mais c'est que derrière cette sagesse commune, que l'on entend souvent, « les médecins écrivent mal », deux questionnements sont entrelacés. L'un de nature esthétique et l'autre de nature éthique.
[...] Oui, a priori, les médecins écrivent mal Il est évident (cela saute aux yeux, pour filer la métaphore de la vision introduire par l'étymologie du mot « évident ») que les médecins écrivent mal. C'est une expérience commune d'aller chez le médecin, et de ressortir de son cabinet avec une ordonnance illisible. Jusqu'ici, on croit ne pas faire d'erreur en assumant que les médecins ont une mauvaise calligraphie. Mais comment justifier cette intuition ? Dans Art, Yasmina Reza fait dire à un de ses protagonistes que l'oeuvre qu'il contemple « est de la merde ». A quoi son interlocuteur ne peut s'empêcher de rétorquer : « par rapport à quoi? ». [...]
[...] Il en va de même ici : les médecins écrivent mal. Mais par rapport à quoi? En d'autres termes, au nom de quoi on peut discriminer les écritures? Quel critère (étymologiquement, ce qui permet de « séparer ») avons-nous pour juger ainsi des bonnes et des mauvaises écritures ? Dans cette situation, notre intuition semble aller vers le critère de lisibilité. Si on en veut autant au médecin de « mal écrire », c'est parce qu'il écrit de façon illisible. [...]
[...] Pourquoi est-ce que les médecins écrivent mal ? De prime abord on se demande clairement en quoi ce sujet est philosophique. A part le mot « mal », ici employé pour qualifier la calligraphie des médecins, il n'y a aucun concept philosophique à proprement parler dans le sujet. Mais c'est que derrière cette sagesse commune, que l'on entend souvent, « les médecins écrivent mal », deux questionnements sont entrelacés. L'un de nature esthétique et l'autre de nature éthique. En effet, on peut d'une part se demander ce qui justifie que l'on juge la calligraphie des médecins comme mauvaise, ce qui en creux pose la question de la norme du Beau. [...]
[...] Ils écrivent mal relativement à une écriture orthodoxe et institutionnalisée : celle que l'on apprend à l'école et qui a pour standard une écriture lisible. Pour autant, la lisibilité d'une écriture est-elle au fondement d'une écriture bonne? Le doute est permis. C'est là où l'on voit le glissement d'un questionnement esthétique à un questionnement éthique : la lisibilité est associée à une dimension plastique là où l'adjectif « bonne » qui qualifie l'écriture a une valeur morale (on parle de « bon » comportement par exemple). [...]
[...] Et ce, pour une raison simple : en tant qu'artisan des mots, il choisit de rompre avec la norme d'écriture pour en souligner toute la vacuité. Conclusion : De façon plus humble et modeste que Socrate, sans doute, le médecin au quotidien lutte contre la Cité et la doxa : par sa pratique même il combat l'arbitraire et demande à chacun d'interroger le fondement de ses croyances. Il remet en cause les intuitions communes et les préjugés esthétiques : si l'écriture des médecins ne peut pas être mauvaise, c'est qu'il n'y a aucun critère du beau qui soit légitime pour sanctionner et discriminer les différentes écritures. [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture