Le catéchisme chrétien a repris à son compte la définition platonicienne de la mort comme séparation de l'âme et du corps. Définir ainsi la mort suppose au moins en toute logique qu'on définisse la vie de façon contraire, soit comme leur union.
Pourtant, dans le christianisme aussi bien que dans le platonisme, cette définition de la mort était censée ne valoir que pour l'homme, et n'était pas étendue aux autres vivants, même à ceux que l'on appelle animaux, c'est-à-dire animés. La question est alors de savoir comment il faut définir, en ce qui les concerne, la vie et sa cessation, s'il est vrai qu'ils n'ont pas d'âme qui puisse se trouver unie à un corps, ou séparée de lui.
Une solution peut évidemment consister à ne voir dans de telles définitions que des vestiges d'une anthropologie fondée sur des croyances arriérées. Pourtant, la séparation de l'âme et du corps reste à certains égards inscrite dans la division de nos sciences : la psychologie et la biologie sont pour nous plus distinctes qu'elles ne l'étaient pour leur fondateur Aristote. L'homme relève ainsi de deux connaissances différentes selon qu'on le considère comme être vivant, ou comme doué d'un psychisme, soit, en grec : d'une âme. Quant au corps, il relève lui-même soit de la biologie, soit de la physique. La relation entre ces sciences reste aujourd'hui problématique, comme le souligne Edgar Morin : qu'en est-il de l'unité psychosomatique de l'homme ?
Le problème est de savoir s'il y a des raisons de distinguer en certains êtres naturels leur corps et leur âme, et dès lors de savoir comment penser la réunion des deux. Leur distinction ne rend-elle pas leur union inconcevable ?
[...] L'union de l'âme et du corps affirmée par Descartes est donc la pseudo- solution d'un faux problème. Il y a en vérité parallélisme entre les mouvements du corps et les états de l'âme parce qu'il s'agit chaque fois d'effets d'une même nécessité divine, mais selon des attributs différents et irréductibles l'un à l'autre. Spinoza peut ainsi reprendre la définition cartésienne du corps : J'entends par corps un mode qui exprime l'essence de Dieu, en tant qu'on la considère comme chose étendue, d'une manière précise (certo) et déterminée (Éthique, II, Déf. [...]
[...] La causalité d'une cause lointaine a ainsi besoin d'être particularisée par les causes prochaines. Encore faut-il pour cela que l'effet considéré soit intrinsèquement possible, en lui-même et en tant que résultat d'une certaine cause. Or, du point de vue cartésien, la génération d'un homme doit pouvoir être expliquée comme un processus physique, c'est-à-dire mécanique : Descartes a fait des recherches très approfondies sur le développement de l'embryon. Or l'union d'un corps ainsi engendré à une âme spirituelle n'est précisément pas ce qui peut résulter d'un processus mécanique : ni l'âme ni l'union ne peuvent être expliquées par la génération biologique du vivant humain. [...]
[...] Dans l'anthropologie hylémorphiste, la pensée consciente n'est pas censée constituer, comme chez Descartes, l'essence de l'âme : elle n'en est qu'une fonction, c'est-à-dire l'opération d'un certain corps informé par une certaine âme. C'est pourquoi, dans l'hylémorphisme, l'existence d'un psychisme inconscient ne pose de soi aucun problème, alors qu'elle constitué une mise en cause majeure des positions fondamentales du dualisme cartésien. Conséquence supplémentaire : si les problèmes posés par le dualisme sont éliminés, aucun réductionnisme ne s'impose pour leur trouver une solution. C. [...]
[...] On pourrait comprendre que c'est seulement par manque de philosophie que l'on croit que son âme ne fait qu'un avec son corps. Or Descartes veut plutôt souligner qu'il y a là une vérité indubitable, mais qu'on ne saurait la traduire en disant que l'âme est la même chose que le corps, ou qu'elle n'est pas autre chose que lui. Ce n'était pas aussi sans quelque raison que je croyais que ce corps (lequel par un certain droit particulier j'appelais mien) m'appartenait plus proprement et plus étroitement que pas un autre. [...]
[...] Si la véracité divine garantit les connaissances claires et distinctes qui relèvent du seul entendement, elle ne permet d'attribuer une réalité au corps que dans la mesure où il est l'objet d'une telle connaissance. Or l'expérience imaginaire du morceau de cire permet non seulement d'écarter les qualités sensibles de la définition de l'essence des choses matérielles (Cinquième méditation, titre), mais elle permet aussi de montrer ce qui échappe à cette élimination : Considérons-le attentivement, et éloignant toutes les choses qui n'appartiennent point à la cire, voyons ce qui reste. Certes il ne demeure rien que quelque chose d'étendu, de flexible et de muable (Deuxième méditation, 12). [...]
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