Le travail est inhérent à toute société humaine. La notion de civilisation suppose la transformation de la nature. L'Antiquité grecque illustre cette réalité par le mythe de Protagoras : l'homme, désarmé face à la dureté de la nature, tire sa force des arts du feu d'Héphaïstos (l'usage de l'outil), les arts d'Athéna (l'intelligence) et l'art politique de Zeus (la sociabilité). En cherchant la définition la plus large et consensuelle à la fois de l'économie, J. Généreux parle de « [L'étude de ] la façon dont les individus ou les sociétés utilisent les ressources rares en vue de satisfaire au mieux leurs besoins » (Introduction à l'analyse économique, Le Seuil.) Le travail humain se donne donc pour but la transformation des ressources naturelles, rares, pour satisfaire des besoins quasi illimités. Cela pose la question de l'organisation du travail, de la répartition des richesses, des fonctions et statuts sociaux. Chaque société renvoie alors à une certaine place du travail, tant dans les pratiques que dans les représentations collectives. Celle-ci a beaucoup évoluée au cours de l'Histoire, au point de devenir un élément prépondérant de la vie sociale. Mais aujourd'hui, pour certains, le travail est si productif qu'il pourrait combler largement tous nos besoins, si bien que ceux-là (Gorz, Rifkin, Méda, etc.) prophétisent la fin du travail pour des raisons de nécessité économique (plein-emploi) mais aussi sociale (post-productivisme). Une thèse qui suscite des réactions virulentes. Pour s'en limiter à la France, le Premier Ministre Jean-Pierre Raffarin n'a t-il pas fait de la réhabilitation de la valeur travail un mot d'ordre de son projet gouvernemental ? Mais plus largement ce débat renvoie à deux conceptions ancestrales du travail. Entre émancipation et aliénation, entre réalisation des potentialités de l'Homme et asservissement de l'individu, mais encore entre la consommation de masse et le post-matérialisme, la question de la centralité du travail dans la vie sociale et économique détermine tous les aspects de l'organisation sociale. Un enjeu de société.
[...] Le développement de l'économie solidaire permettrait de résoudre la crise de la condition salariale. Il entend par ce terme les régies de quartier, le soutien scolaire, l'aide à domicile, la protection de l'environnement, centres culturels et toute autre association qui lutte contre l'exclusion et la raréfaction de l'activité. Et il existe encore de nombreuses propositions pour passer le cap de la fin du travail. Non, le travail n'est pas mort ! Mais la fin du travail est une notion bien vague compte tenu de la polysémie du mot travail. [...]
[...] Le poids de la religion, de l'éthique du travail et l'immobilité sociale ont pendant longtemps déprécié la valeur du travail. Les sociétés traditionnelles ont presque toujours recours à la notion de prestation totale qui veut que chacun obéisse à la triple obligation donner /recevoir /rendre La réciprocité veut que chaque individu cherche à établir des liens avec les autres par le biais de l'échange sans chercher à prendre un ascendant. L'échange ne signifie rien par lui-même, c'est l'Autre qui est visé dans une optique de solidarité. [...]
[...] La rationalisation fordienne du travail entraîne l'abandon du salaire forfaitaire au profit du salaire au rendement : outre l'individualisation de la rémunération, cela témoigne d'une ambition positiviste et productiviste de tout mesurer (la pointeuse, le chronométrage de l'exécution ) et d'abolir le temps improductif. L'entreprise devient le lieu central de la socialisation compte tenu de la place centrale du travail dans la société tout entière. Outre les C.E., le développement de l'administration, de la gestion (les fameux cols blancs) complexifie l'organigramme de l'entreprise et en fait une microsociété que les sociologues estiment indispensable pour le lien social : par exemple, le premier lieu où les Français rencontrent leur conjoint(e) est le lieu de travail. [...]
[...] Cette multi-activité se veut un substitut non monétaire à l'économie capitaliste tertiaire : le capitalisme excluant de nombreuses activités par nécessité de rendements, de nombreux travailleurs se voient privés de l'exercice de leur compétence. C'est donc à des cercles de coopération, des associations notamment, de relier entre eux les prestataires et les demandeurs de compétences à faible rendement. L'implication de l'individu dans ces cercles serait économiquement possible grâce au versement de l'allocation universelle. Avec pour effet une diminution de la quantité de travail effectuée, donc un partage de l'emploi. [...]
[...] L'autoproduction sera la réalisation collective des biens nécessaires à l'existence. Elle a été expérimentée par Frithjof Bergmann, professeur de philosophie à l'Université du Michigan, impliqué dans l'aide aux chômeurs, sans-abri, et adolescents de New York et Détroit. Son mouvement a permis l'autoproduction par des sans-logis de leur immeuble de 20 étages ! Notre but, dit-il, est d'autoproduire 70 à 80% des choses dont nous avons besoin pour vivre, avec une faible dépense de travail. Le principal mérite de cette proposition est de rappeler que le travail, loin d'être le seul processus productif possible, est avant tout une construction sociale : Le travail que le capitalisme en sa phase ultime abolit massivement est une construction sociale ; et c'est pour cela précisément qu'il peut être aboli. [...]
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