L'étude scientifique de l'histoire juive n'a pas encore dépassé le stade de l'improvisation idéaliste. Tandis que le champ de l'histoire générale a été conquis, en grande partie, par la conception matérialiste, tandis que les historiens sérieux se sont hardiment engagés dans la voie de Marx, l'histoire juive demeure le terrain de prédilection des "chercheurs de dieu" de toute espèce. C'est un des seuls domaines historiques où les préjugés idéalistes sont parvenus à s'imposer et à se maintenir dans une mesure aussi étendue.
Que de papier n'a-t-on pas noirci pour célébrer le fameux " miracle juif " !
" Etrange spectacle que celui de ces hommes qui, pour conserver le dépôt sacré de leur foi, bravaient les persécutions et le martyre ", dit Bédarride .
La conservation des Juifs est expliquée par tous les historiens comme le résultat de la fidélité qu'ils ont témoigné à travers des siècles à leur religion ou à leur nationalité. Les divergences ne commencent à se manifester entre eux que lorsqu'il s'agit de définir le " but " pour lequel les Juifs se sont conservés, la raison de leur résistance à l'assimilation. Certains, se plaçant au point de vue religieux, parlent du " dépôt sacré de leur foi "; d'autres, tels Doubnov, défendent la théorie de l'" attachement à l'idée nationale ". " Il faut chercher les causes du phénomène historique de la conservation du peuple juif dans sa force spirituelle nationale, dans sa base éthique et dans le principe monothéiste ", dit l'Allgemeine Enzyklopedie qui parvient ainsi à concilier les divers points de vue des historiens idéalistes .
Mais s'il est possible de concilier les théories idéalistes, il serait vain de vouloir trouver un terrain de conciliation entre ces mêmes théories et les règles élémentaires de la science historique. Celle-ci doit rejeter catégoriquement l'erreur essentielle de toutes les écoles idéalistes, qui consiste à placer le problème cardinal de l'histoire juive, celui du maintien du judaïsme, sous le signe du libre arbitre. Seule l'étude du rôle économique des Juifs peut contribuer à éclaircir les causes du " miracle juif ".
Etudier l'évolution de ce problème ne présente pas seulement un intérêt académique. Sans une étude approfondie de l'histoire juive, il est difficile de comprendre la question juive à l'époque actuelle. La situation des Juifs au XX° siècle se rattache intimement à leur passé historique.
Tout état social est un stade du processus social. L'être n'est qu'un moment du devenir. Pour pouvoir analyser la question juive dans son état de développement actuel, il est indispensable d'en connaître les racines historiques.
[...] Mais c'est le développement économique qui la déterminé en dernière analyse. Là où les Juifs jouent un rôle indispensable dans la vie économique, là où l'économie échangiste ne se développe que faiblement, l'intérêt étatique pousse les rois à protéger les Juifs, à les défendre contre tous leurs ennemis. Ainsi, en Pologne, la royauté apparaît toujours comme leur protectrice la plus ferme. Dans les pays plus développés, où l'usure n'est plus qu'un anachronisme, les rois se font moins de scrupules à piller les Juifs. [...]
[...] Au concile de Nicée, c'est elle qui donne le ton aux autres communautés chrétiennes. Mais si les couches paysannes du judaïsme embrassèrent avec ardeur l'enseignement de Jésus, il n'en fut pas de même de ses classes dominantes et commerçantes. Au contraire, elles persécutèrent avec ardeur la religion communiste primitive. Plus tard, quand le christianisme fut devenu la religion des grands propriétaires, quand ses tendances antiploutocratiques du début se furent limitées seulement au commerce et à l'usure, il est évident qu'alors aussi l'opposition des classes juives aisées ne perdit rien de son acuité. [...]
[...] Naturellement, pour répondre à ces questions intéressantes, on se réfugie derrière la religion. " Aussi longtemps que les masses croyaient qu'elles devaient demeurer dans la Diaspora jusqu'à la venue du Messie, il fallait souffrir en silence dit Zitlovski[270] dont le sionisme est d'ailleurs assez conditionnel. Mais cependant cette explication ne nous explique rien. Il s'agit précisément de savoir pourquoi les masses juives croyaient qu'il fallait attendre le Messie pour pouvoir " retourner dans leur patrie " ? La religion étant un reflet idéologique des intérêts sociaux, elle doit forcément leur correspondre. [...]
[...] cit . [189] Henri Pirenne, op. cit . [190] Cétait une chose si fructueuse et si bonne à exploiter que le Juif, que chaque prince cherchait à en avoir le plus possible. Il y avait les Juifs du roi et ceux des seigneurs. Philippe le Bel, en 1299, acheta à son frère, pour 20.000 livres, tous les Juifs du comté de Valois. G. d'Avenel, Histoire économique de la propriété, tome p [191] G. B. Depping, op. cit. [...]
[...] Cependant, c'est pur enfantillage que de ramener la question juive à une question territoriale. La solution territoriale n'a de sens que si elle signifie la disparition du judaïsme traditionnel, la pénétration des Juifs dans l'économie moderne, la " productivisation " des Juifs. Par une voie détournée, le sionisme revient ainsi aux solutions préconisées par ses pires ennemis : les " assimilateurs " conséquents. Pour les uns comme pour les autres, il s'agit de faire disparaître l'héritage " maudit " du passé, de faire des Juifs des ouvriers, des agriculteurs, des intellectuels productifs. [...]
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