Le 9 décembre 1946, conformément à l'ordre nº68 du gouverneur militaire américain en Allemagne du 25 octobre 1946, commence le procès des médecins nazis, dit le « Procès de Nuremberg ». Faisant suite au très célèbre procès au cours duquel vingt-deux dignitaires du parti nazi, de l'armée allemande et du troisième Reich furent condamnés, il a vu jugés vingt médecins et trois scientifiques impliqués dans des expérimentations médicales que l'on peut qualifier aujourd'hui d'inhumaines, d'impensables, voire même d'indicibles. C'est indubitablement à cette occasion que les atrocités commises ont bouleversé la conscience humaine et que pour la première fois, les juges ont pris la mesure du vide juridique mais également éthique dans le domaine des expérimentations scientifiques faites sur l'homme. Le code de Nuremberg a été alors conçu pour juger les actes devenus criminels. Il a constitué, comme l'écrit Bruno Halioua :
« Le point de départ de la prise de conscience des dangers des progrès de la science, avec les dérives qu'elle peut susciter, et de la nécessité de l'encadrer par un certain nombre de règles » .
Il est coutumier de voir dans le Serment hippocratique les origines de l'éthique médicale. Constituant le code déontologique symbolique du médecin, il a été intégré à de multiples cultures, notamment dans le christianisme. Entre le Serment et le Code de Nuremberg, nous n'avons pas une quantité suffisamment conséquente de traités, voire de textes éthiques marquants. Si le Code de Nuremberg a suscité une prise de conscience inédite tributaire des avancées scientifiques du monde moderne, c'est parce que le monde ne pensait pas que de telles atrocités auraient pu être commises un jour. Nous pouvons penser, pour étayer notre propos, à la phrase de David Rousset que l'on retrouve dans la préface du Système totalitaire de Hannah Arendt, à savoir que « Les gens normaux ne savent pas que tout est possible ».
Mais n'y aurait-il pas autre chose derrière cela ? L'absence d'évolution éthique pendant des siècles n'aurait-elle pas fait évoluer en parallèle un « besoin d'éthique » dont les crimes commis par les médecins nazis d'une part et l'émergence du Code de Nuremberg d'autre part constitueraient des symboles ? Nous allons étudier ce besoin d'éthique, ce qui nous permettra de nous demander comment il a pu évoluer pour exploser à partir de la Seconde Guerre mondiale. Mais avant cela, en guise de prolégomènes, nous allons entamer un travail définitionnel puis, en partant d'une citation de Jacques Ruffié, nous tenterons de comprendre en quoi la liberté doit être un présupposé nécessaire à tout besoin d'éthique. Ainsi, nous pourrons problématiser ce syntagme et songer à sa conceptualisation.
[...] En quoi cela pourrait consister ? Et comment pourrait-on y parvenir ? Nous pourrions parler de banalité du bien à propos d'une attitude qui nous pousserait à bien agir, ou du moins agir selon des principes éthiques sans même s'en apercevoir. Autrement dit, elle pourrait définir l'attitude du professionnel de santé qui agit éthiquement, naturellement, sans réfléchir aux caractéristiques éthiques de ses actions et de ses décisions. Si cela n'est pas dénué de défauts et si c'est en apparence plus utopique qu'autre chose, nous pouvons néanmoins nous demander comment y parvenir. [...]
[...] Ne doit- on pas avoir besoin de l'éthique au nom d'un besoin de croire en certaines valeurs ? Nous répondrons plus précisément à cette question dans notre conclusion. Mais avant cela, nous allons passer à notre dernière sous- partie en tentant d'envisager le besoin d'éthique comme un moyen pour éliminer le non-éthique du milieu médical et ainsi, de bien agir sans s'en apercevoir ou, autrement dit, de vivre dans une sorte de banalité du bien À la recherche de la Banalité du bien - Une finalité pratique Que ce soit dans Eichmann à Jérusalem, dans Questions de philosophie morale ou encore dans La vie de l'esprit, Hannah Arendt parlait de banalité du mal comme d'une notion problématique tendant à mettre en avant l'extrême insignifiance du criminel Adolf Eichmann face à l'extrême monstruosité de ses crimes d'une part et l'indifférence qu'ont suscité en Allemagne les horreurs commises par les nazis d'autre part. [...]
[...] De quelle manière ? Par quatre façons que nous allons aborder successivement. La première peut consister en un examen de conscience. Celui-ci consiste à choisir d'accomplir une action ou pas selon un contexte et après un dialogue silencieux avec soi-même. C'est ce dialogue que Hannah Arendt nomme pensée dans une conférence intitulée Responsabilité personnelle et régime dictatorial[82]. S'il ne constitue pas l'intégralité d'agir éthiquement sans s'en apercevoir, le dialogue avec soi-même permet de réguler son propre comportement et pousse à ne pas agir quand cela n'est pas éthique ; par conséquent, il peut rendre possible, à terme, un comportement inconsciemment éthique. [...]
[...] Pour cela, nous étudierons plus profondément les codes, les arrêts, mais aussi l'émergence des comités d'éthique. De cette façon, en nous demandant où l'éthique se trouve dans nos sociétés, nous pourrons comprendre comment le besoin s'est justifié, se justifie et se justifiera. Un contrat social - Une consistance philosophique Nous étudierons ici la symbolisation du besoin d'éthique en lui donnant une consistance contractualiste et pour cela, nous l'appréhenderons dans un cadre philosophique. Ainsi, nous chercherons à faire de l'éthique un contrat social (ce qui légitimera le statut de besoin qui l'accompagne) avec Jean-Jacques Rousseau d'abord puis avec John Rawls ensuite. [...]
[...] Il y a un peu plus tard la loi du 6 janvier 1978 sur le traitement des données nominatives. La loi du 22 décembre 1988, dite loi Huriet-Serusclat est votée ; elle est relative à la protection des personnes qui se prêtent à des recherches biomédicales Nous avons également les lois de bioéthique de 1994 et enfin, il y a la loi du 4 mars 2002, dite loi Kouchner. Que ce soit par les états généraux de la bioéthique ou avec l'émergence des déclarations et traités, puis des comités d'éthique et enfin des lois, nous nous apercevons de l'évolution du besoin d'éthique, analogue aux évolutions de la médecine techniciste. [...]
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