« Sur l'échafaud, sa mémoire lui joua un dernier tour : « euphorique », il avait oublié qu'il assistait à sa propre mort. Comme si, en ces dernières minutes, il résumait la leçon que nous a apprise cette longue étude sur la méchanceté humaine - la leçon de la terrible, de l'indicible, de l'impensable banalité du mal. »
C'est sur ces mots graves que se conclut le texte controversé d'Hannah Arendt intitulé Eichmann à Jérusalem, rapport sur la banalité du mal. Ils font suite au procès d'Adolf Eichmann, le fonctionnaire nazi reconnu comme responsable de la logistique de la Solution finale, en fuite en Argentine. Ce procès s'est déroulé en 1961 et 1962 à Jérusalem. Hannah Arendt, philosophe et politologue allemande naturalisée américaine dont la pensée atypique a été une des plus singulières et une des plus stimulantes du XXe siècle, jouissait alors d'une forte réputation. En effet, suite à la parution des Origines du totalitarisme (en 1951), de La condition de l'homme moderne (en 1958) et de La crise de la culture (en 1961), sa reconnaissance s'est étendue jusqu'en Europe ; elle a reçu notamment le pris Lessing de la ville de Hambourg en 1959.
En 1961, elle propose à William Shawn, le directeur du New Yorker, d'aller à Jérusalem pour couvrir le procès d'Eichmann, qui vient d'être enlevé par des agents secrets israéliens en Argentine. Son reportage a fait alors l'objet de controverses et de polémiques d'une incroyable violence, et ce pour trois raisons majeures. La première concernait le ton employé par Arendt, souvent caractérisé comme froid et désinvolte, la deuxième le rôle des conseils juifs durant la Seconde Guerre mondiale et la troisième sur la banalité du mal, notion sur laquelle nous allons entamer une réflexion.
Nous pouvons nous questionner sur ses origines, car elles semblent problématiques. En effet, elle a émergé tardivement, puisque c'était lors du procès Eichmann, c'est-à-dire il y a à peine un demi-siècle. Cela nous pousse donc à la poser historiquement comme un mal inédit ; mais de quelle manière cela est-il philosophiquement possible ? Autrement dit, qu'est-ce qui rend la banalité du mal inédite ?
Afin de répondre à cette question, nous pouvons orienter notre réflexion sur trois axes problématiques, un premier sur ses origines, un deuxième sur sa position vis-à-vis de la tradition et un troisième sur son extrémité, voire son absoluité. Dans quel contexte peut-elle émerger et en quoi celui-ci la rend inédite ? Quelle est sa position face à la tradition et en quoi celle-ci la rend inédite ? En quoi pouvons-nous l'appréhender comme un mal absolu et en quoi est-ce que cela la rend inédite ? Ce sont ces trois questions qui, dans cet ordre, guideront notre réflexion. Ainsi, dans un premier moment, nous nous interrogerons sur les conditions contextuelles d'émergence de la banalité du mal et tenterons de voir comment, dès lors, elle est inédite. Nous étudierons ensuite sa position vis-à-vis de la tradition pour voir une nouvelle fois en quoi elle est inédite et pour comprendre en quoi son détachement de la tradition la fait consister. Enfin, nous nous questionnerons sur son absoluité potentielle afin d'analyser ce qui peut être considéré comme ce qui la rend majoritairement novatrice.
[...] Table des matières INTRODUCTION 2 Un mal inédit par ses conditions d'émergence 5 Du totalitarisme 5 Une émergence politique 6 Une émergence sociologique 7 Une émergence morale 8 II) Un mal inédit par sa position face à la tradition 13 La banalité du mal, entre nature et liberté 13 De la transgression à l'oubli 17 Du monstre qui fascine au philistin que l'on méprise 19 III) Un mal inédit par son caractère absolu 23 De l'absence de Dieu à l'absence de pensée - Généalogie de l'absoluité de la banalité du mal 23 Un mal sans Dieu, ou quand tout devient permis 23 Un mal sans pensée, ou quand tout devient possible 27 De l'impossibilité de la rationaliser - Consistance de l'absoluité de la banalité du mal 33 Un mal irrationnel 33 Un mal qui n'aurait jamais dû arriver 36 Conclusion - De Jérusalem à Bagneux 38 Document annexe - biographie d'Hannah Arendt 41 Références et bibliographie 42 TABLE DES MATIERES 45 Voir document annexe - biographie d'Hannah Arendt p.67 ARENDT, Hannah (1963). Eichmann à Jérusalem. Folio histoire p.440 LALANDE, André (1926). Vocabulaire technique et critique de la philosophie. [...]
[...] Il responsabilise l'homme dans la mesure où il précède l'expérience, où il renvoie à la liberté et où il constitue la matrice de toute action sensible. Myriam Revault d'Allones, dans Ce que l'homme fait à l'homme, dit qu'il est radical, car antagoniste à la loi morale et qu'il corrompt le principe des maximes. C'est un mal intelligible mis en pratique par le sensible. Il est lié à de la malhonnêteté, car c'est une perversion ; en effet, on y préfère l'amour de soi à la loi morale. [...]
[...] Ainsi parlait Zarathoustra. GF-Flammarion ; Paris ; 2006 ; p.344 WEBER, Max. Le métier et la vocation de savant in Le savant et le politique ; Bibliothèque 10/18 ; Paris ; 2008 DOSTOIEVSKI, Fiodor. Les frères Karamazov ; Bibliothèque électronique du Québec ; Collection A tous les vents ; p.477 ARENDT, Hannah. In Responsabilité et jugement ; op. cit. p.92 Ibid Ibid SCHOLEM, Gershom. Fidélité et utopie ; op. cit. [...]
[...] La nature du totalitarisme se retrouve dans la terreur et l'idéologie. En effet, la terreur n'est plus, comme nous l'avons dit avant, un moyen, mais elle devient la fin du gouvernement pour devenir un processus sans fin où les hommes n'ont plus leur place. C'est ce que semble sous-entendre Hannah Arendt lorsqu'elle écrit dans Le système totalitaire que : La terreur totale, l'essence du régime totalitaire, n'existe ni pour les hommes, ni contre eux. Elle est censée fournir aux forces de la nature ou de l'histoire un incomparable moyen d'accélérer leur mouvement L'idéologie, quant à elle, suscite l'adhésion d'un groupe sans la moindre réflexion. [...]
[...] p.185 ARENDT, Hannah. Eichmann à Jerusalem ; op. cit. p.126 ARENDT, Hannah. Eichmann à Jerusalem ; op. cit. p.477 WIEVIORKA, Annette. Le procès Eichmann. Editions Complexe ; 1989 ; Bruxelles ; p.31 ARENDT, Hannah. [...]
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