Le Zèbre - Alexandre Jardin, résumé par chapitres de cette oeuvre
Emporté par son débit tumultueux, toujours plié en deux, il lui annonça que son stratagème n'était qu'une préface à la cure de jouvence qu'il entendait faire subir à leur couple. Un grand ravalement en quelque sorte, bien nécessaire après quinze années d'anesthésie progressive de leurs désirs. Le Zèbre était résolu à délaisser son rôle de mari, au sens amorti du terme, pour se glisser dans la peau d'un amant légitime. Il traquerait désormais les imperceptibles habitudes qui émoussent les sentiments. Sa vigilance ne connaîtrait plus de jours fériés. A partir de cet instant, il ne cesserait d'ourdir des mises en scène, comme celle de ce matin, pour retendre le lien qui les unissait.
[...] Le temps ne nous aura pas. Nous serons plus malins que lui. Je te jure que notre passion connaîtra une résurrection. - Mon chéri, ces mises en scène ce n'est pas de l'amour, c'est une pantomime de l'amour ; et en plus ça ne sert à rien. On ne peut pas faire jaillir les sentiments de force. Sois tendre. Parle-moi, regarde-moi au lieu de chercher sans cesse à quelle sauce tu me mangeras.( . ) Le Zèbre ravala sa déception et s'abstint de répondre. [...]
[...] Le Zèbre, lui, la suscitait, la révélait. Elle se reconnaissait dans ses yeux, s'écoutait dans ses paroles, se devinait dans ses fantasmes. Les qualités qu'il lui attribuait finissaient par germer dans son caractère, la vision qu'il avait d'elle la fécondait. Il aurait dit marche en indiquant un feu, elle aurait foulé la braise nu-pieds sans se brûler. Par contraste, les ébats que lui proposait ce divorcé charmeur lui avaient soudain paru bien tièdes. De retour chez elle, Camille comprit qu'elle ne se résignerait jamais à enfourcher - si j'ose dire - un cheval de seconde catégorie pour échapper au regard tyrannique d'un amant d'envergure, Zèbre ou autre. [...]
[...] Il s'en moquait; d'autant qu'il ne serait plus de ce monde. Mais que son fiston se fût autorisé à franchir les bornes du raisonnable le plongeait dans une indicible félicité. La Tulipe ne serait pas de ceux qui renoncent. Du haut de ses quinze ans, il avait déjà la sagesse de prendre ses rêves au sérieux et de s'insurger contre ce que les lâches nomment la réalité Sa vie serait faite de l'étoffe de ses désirs. - J'ai un fils ! hurlait Gaspard à qui voulait l'entendre. [...]
[...] Elle éprouva une pointe de fierté à ne pas être de ceux dont l'ennui matrimonial fait périr la passion. Elle était amoureuse. Oui, elle l'aimait aujourd'hui avec des transports plus vifs encore que dans les débuts de leur liaison. Le Zèbre avait gagné son défi. Elle s'en réjouissait. Ils ne finiraient pas comme un couple fossile. A mi-chemin entre la vie et l'au-delà, il entra dans la vérité des choses : Ah, pourquoi ne me suis-je pas montré plus tôt, avec mes craintes et mes espoirs, songea-t-il, plutôt que de me cacher derrière un personnage théâtral. [...]
[...] - Que t'est-il arrivé ? finit-elle par murmurer. - Il y a des conversions mystiques, pourquoi n'y aurait-il pas des conversions amoureuses ? Camille, Si je n'avais pas tiré la sonnette d'alarme, nous aurions fini comme tous ces ménages en trompe-l'oeil. Un jour ou l'autre, tu aurais dormi avec un autre et moi, bête comme je suis, j'aurais été braconner du petit gibier. Au lieu de dériver vers ces liaisons clandestines, quasi inéluctables à l'entendre, le Zèbre lui proposait de mimer leur amour pour tenter de le faire renaître. [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture