L'émergence de la philosophie du langage au début du siècle s'accompagne d'une croyance forte en ses possibilités. On voit dans le programme de la philosophie linguistique rien de moins que la solution aux grands problèmes ayant marqué l'histoire de la philosophie. En fait, on estime la philosophie du langage capable non pas de générer de nouvelles issues aux apories de la pensée philosophique mais bien plutôt de les éliminer par une analyse structurelle du langage. Wittgenstein expose dans son Tractatus logico-philosophicus les bases de ce programme qui présuppose que le principal obstacle à la résolution des problèmes philosophiques traditionnels est la façon même dont ils sont formulés. Le Tractatus effectue ce travail d'analyse compris comme l'opération visant à récupérer la forme logique au-delà de l'apparence grammaticale. Wittgenstein cherche à préciser à la suite de Frege la nature de la signification, mais aussi à clarifier la relation entre la structure du langage et la structure du monde.
Ce que l'exposition des liens entre logique et langage découvre, c'est avant tout les limites mêmes du langage. Les conséquences de cette analyse sont radicales : tous les énoncés évaluatifs – éthiques, esthétiques ou métaphysiques – outrepassent les limites du langage. Or, Wittgenstein nous avertit en Avant-propos du Tractatus que « sur ce dont on ne peut parler, il faut se taire ». Il s'agit donc véritablement d'une condamnation sans appel de la philosophie morale comme de la métaphysique. Avant d'aborder le problème des limites du langage exposé dans le Tractatus, j'aimerais dans un premier temps préciser la conception de la signification que Wittgenstein y soutient en montrant comment elle est fortement inspirée de celle de Frege. J'aimerais ensuite analyser le rapport entre langage et réalité qui se dégage du Tractatus et les arguments présentés par Wittgenstein en mesurant l'impact de leurs conclusions.
[...] Avant d'aborder le problème des limites du langage exposé dans le Tractatus, j'aimerais dans un premier temps préciser la conception de la signification que Wittgenstein y soutient en montrant comment elle est fortement inspirée de celle de Frege. J'aimerais ensuite analyser le rapport entre langage et réalité qui se dégage du Tractatus et les arguments présentés par Wittgenstein en mesurant l'impact de leurs conclusions. La signification : l'influence de Frege Comme Frege, Wittgenstein s'intéresse aux conditions a priori de l'expression d'une signification par le moyen du langage, dans la mesure où il considère que c'est dans la structure de l'énoncé qu'on doit trouver l'essence de ce qui est exprimé. [...]
[...] Le nom a pour seule fonction la dénotation d'un objet; si l'on tient à parler de la signification d'un nom, il faudra évaluer sa contribution aux conditions de vérité des énoncés dans lesquels le nom apparaît.[4] Mais déjà on touche au rapport entre la structure logique du langage et celle ontologique du monde : on ne peut à proprement parler évoquer la signification d'un nom, c'est-à-dire l'objet de sa dénotation, autrement que dans le contexte d'une proposition parce que la signification d'un nom se donne seulement en configurations, en combinaisons avec d'autres objets.[5] Ce sont ces configurations, ces combinaisons d'objets auxquelles Wittgenstein se réfère lorsqu'il parle d'états de choses. Le rôle de la proposition dans un langage idéal consiste donc à représenter, à figurer un état de choses donné. Beaucoup d'analyses ont été faites sur la nature et le mode de cette figuration et sur le concept de Bild (la proposition comme image) dans le Tractatus; il n'en sera question ici que brièvement. [...]
[...] D'où la posture anti-psychologiste de Frege, qui sera reprise par Wittgenstein. Dans Sens et dénotation (1892), Frege distingue ces deux concepts faisant partie de la signification. En employant la locution entité abstraite et objective pour désigner le sens, il conteste les théories idéationnelles pour lesquelles la signification se limite à la dénotation, qui est toujours un état mental du locuteur. Cette distinction redonne un caractère public à la signification dans la mesure où le sens ( ) ne saurait être assimilé à une représentation mentale puisqu'au contraire des représentations mentales instables, inexprimables et dépendant du psychisme des individus, le sens ne change jamais, il est indépendant des locuteurs et il peut être communiqué et compris.[2] Outre cette distinction entre sens et dénotation, l'article de Frege soutient une thèse qui sera défendue avec encore plus de vigueur dans le Tractatus : l'identification de la signification d'un énoncé déclaratif avec ses conditions de vérité. [...]
[...] Pourquoi alors Wittgenstein construit-il sa théorie sémantique sur la signification des propositions, et non simplement sur les noms et les objets qu'ils dénotent? Un désaccord avec Russell semble expliquer en partie cette situation. Langage et réalité : désaccords avec Russell De façon générale, le Tractatus souscrit à la thèse de l'atomisme logique de Russell. Wittgenstein emploie le même vocabulaire que son professeur : les énoncés simples c'est-à-dire de type S est P sont appelées des propositions atomiques. Les objets sont pour Wittgenstein comme pour Russell les termes ultimes de l'analyse : Les objets sont simples. [...]
[...] Le Tractatus deWittgenstein Une philosophie dissolutive L'émergence de la philosophie du langage au début du siècle s'accompagne d'une croyance forte en ses possibilités. On voit dans le programme de la philosophie linguistique rien de moins que la solution aux grands problèmes ayant marqué l'histoire de la philosophie. En fait, on estime la philosophie du langage capable non pas de générer de nouvelles issues aux apories de la pensée philosophique mais bien plutôt de les éliminer par une analyse structurelle du langage. [...]
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