Tenter de cerner le sens et la dimension du projet cosmopolitique kantien invite à s'interroger de nouveau sur sa philosophie de l'histoire, tant la subtilité de cette dernière a pu donner matière à des interprétations souvent trop rapides. Comprendre l'histoire humaine selon un « plan » ou un « dessein » déterminé de la Nature semble fantaisiste au regard de la critique de la Raison elle-même. Kant ne manque pas de souligner le risque d'une telle proposition si un lecteur hâtif en exclut les nuances et le caractère heuristique. La tentative philosophique de l'auteur se résoudrait à n'être qu'un « roman ».
[...] Après avoir évalué les conditions de possibilités de toute connaissance dans le champ de la nature Que puis-je savoir ? et conclu au caractère discursif de l'entendement humain[2], capable de connaître la nature telle qu'elle apparaît au sujet, comme un ensemble de phénomènes régis par des lois[3] mais non les choses en elles-mêmes, Kant s'attelle dans La Critique de la Raison Pratique à la question que dois-je faire ? Le penchant spéculatif de la Raison, limité dans sa connaissance du monde, peut et doit s'épanouir en usant des idées à titre de maximes et d'impératifs nécessaires pour réguler l'action. [...]
[...] Situation de la guerre dans la philosophie kantienne de l'Histoire. Réflexions à partir de la neuvième proposition de l'Idée d'une Histoire universelle au point de vue cosmopolitique Tenter de cerner le sens et la dimension du projet cosmopolitique kantien invite à s'interroger de nouveau sur sa philosophie de l'histoire, tant la subtilité de cette dernière a pu donner matière à des interprétations souvent trop rapides. Comprendre l'histoire humaine selon un plan ou un dessein déterminé de la Nature semble fantaisiste au regard de la critique de la Raison elle-même. [...]
[...] C'est pourquoi, du point de vue du système épistémologique kantien, la proposition de l'auteur se veut heuristique et pratique, semblable à un jugement réfléchissant. Il ne s'agit en effet pas d'un jugement déterminant sur l'histoire visant à en connaître le mécanisme et la fin intrinsèque ou à pouvoir en prédire les sursauts. Les exigences de la raison pratique exhortent le philosophe à y trouver par le biais d'un jugement réfléchissant le sens et l'espoir induits par les progrès d'une raison irénique, supérieure en valeur et en actes aux mobiles et aux inclinations sensibles, gages d'une guerre de tous contre tous Kant se place d'ailleurs, d'un point de vue anthropologique, dans la lignée de Hobbes pour décrire la condition humaine à l'état de nature. [...]
[...] Ces trois systématisations sont, pourraient- on dire avec les mots de Kant, l'œuvre d'une raison paresseuse ignava ratio qui vise à déterminer son objet plutôt qu'à le penser[7]. L'intérêt de la philosophie kantienne de l'histoire réside dans le principe même de la téléologie qu'elle formule. Si l'Histoire selon Kant est une téléologie, elle l'est à titre régulateur et non constitutif. La téléologie n'est pas la science des causes efficientes- i.e. de l'origine de la production mécanique d'effets mais la science des fins. [...]
[...] L'espoir révélé par ce fil conducteur accrédite l'évaluation morale du cours des affaires humaines tout en admettant l'impossibilité intuitive théorique de saisir la raison d'être de celles-ci. L'idée de fin appliquée aux rapports de la Nature et de l'histoire n'a de signification que régulatrice, elle sert à relier de manière cohérente, à comprendre sans pour autant arguer d'une explication déterminée l'unité systématique qui fonde universellement l'humanité et son évolution. Comment envisager la multiplication des guerres à l'aune de ce fil conducteur, de cette perspective consolante ? S'agit-il alors d'une justification du mal ? [...]
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