La subordination de la raison au mal semble à première vue surprenante : le sens commun tendrait plutôt à associer la raison aux images de la droiture, de la lumière, et de la sagesse. De fait, Shakespeare, Rousseau et Giono s'accordent à montrer que le mal est, en son principe, fondamentalement déraisonnable. Il n'en demeure pas moins que la raison peut, dans une certaine mesure, se faire l'auxiliaire du mal. De plus, par certains aspects, la raison peut non seulement seconder le mal, mais aussi l'engendrer.
[...] Ôtez nos funestes progrès [ . et tout est bien La raison engendre des progrès qui engendrent à leur tour des biens matériels dont la possession engendre des inégalités, lesquelles engendrent des passions mauvaises (envie, orgueil) : tel est le cercle vicieux dans lequel la raison, lorsqu'elle n'est pas soutenue par la conscience, risque d'enfermer l'humanité, vérifiant l'adage rabelaisien : Science sans conscience n'est que ruine de l'âme. Giono partage cette méfiance à l'égard de cet effet de la raison industrieuse qu'est le progrès technique : le village nègre édifié pour construire le chemin de fer attise les convoitises d'êtres peu scrupuleux comme Rampai-Cartouche. [...]
[...] La raison est donc ce qui prémunit l'humanité contre le règne brutal et chaotique de l'instinct. Elle est, pour reprendre une image shakespearienne : the pauser, reason (Macbeth, II, : la faculté qui nous prémunit contre l'emportement. En me délivrant du besoin, la raison m'offre en outre la possibilité de contempler le cosmos, l'ordre et la beauté du monde, et partant d'admirer l'harmonie universelle : grâce à la raison, écrit Rousseau, je puis sentir ce que c'est qu'ordre, beauté, vertu ; je puis contempler l'univers, m'élever à la main qui le gouverne ; je puis aimer le bien, le faire La raison est donc ce qui permet à l'homme de connaître le bien. [...]
[...] La raison peut-elle être mise au service du mal ? Introduction La subordination de la raison au mal semble à première vue surprenante : le sens commun tendrait plutôt à associer la raison aux images de la droiture, de la lumière, et de la sagesse. De fait, Shakespeare, Rousseau et Giono s'accordent à montrer que le mal est, en son principe, fondamentalement déraisonnable (annonce de la première partie). Il n'en demeure pas moins que la raison peut, dans une certaine mesure, se faire l'auxiliaire du mal (annonce de la deuxième partie). [...]
[...] Son cas est d'autant plus frappant qu'à la différence de Macbeth, aussi à l'aise dans la ruse que dans la boucherie, Thérèse ne dispose que de sa raison pour faire le mal : Dix fois sur dix pour réussir quoi que ce soit du genre de ce que je voulais entreprendre, il faut l'extérieur d'un homme : c'est ainsi qu'elle se servira d'abord de Firmin pour détruire les Numance, puis du Muet et de Cartouche pour détruire Firmin. Cervelle, c'était moi : la raison n'est pas le principe moteur de l'âme de Thérèse, mais elle lui est d'une grande utilité pour parvenir à ses fins. Transition : Non seulement la raison n'empêche pas l'accomplissement du mal, mais il arrive qu'elle s'en fasse la complice lorsqu'elle est guidée par une volonté mauvaise. Reste à savoir si la raison ne porte pas en elle- même les semences du mal qu'elle accomplit. III. [...]
[...] II.2 Ratiocinations du mal : sophismes et paradoxes Dès lors qu'elle a consenti au mal, la raison cherche à servir au mieux celui-ci en le justifiant aux yeux de son auteur et des autres hommes : c'est ce que Rousseau appelle les sophismes du vice Shakespeare nous en propose un exemple dans la scène déjà citée où Macbeth parvient à se persuader qu'il est nécessaire, selon un raisonnement de type machiavélien, de commettre un mal en vue d'un plus grand bien. Une fois Macbeth couronné, la raison d'État - autre notion machiavélienne - servira de prétexte à des assassinats sans nombre. Giono va plus loin en attribuant à son héroïne un discours qui, renversant tous les fondements de la morale chrétienne, prétend à l'universalisme : La nuit noire, quelle belle institution ! Ils disent conscience. Ils disent : remords. D'accord. C'est de la monnaie. [...]
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