La prudence est la vertu de la partie calculative de l'âme. La sagesse, elle, est la vertu de la partie intellective de l'âme. L'âme est divisée principalement en deux parties : irrationnelle, où se situent les vertus du caractère, et rationnelle. De son côté, l'âme rationnelle est aussi composée de deux parties : celle qui contemple les êtres nécessaires, les réalités séparées de la matière : c'est l'âme scientifique, dont la vertu est la sagesse ; et celle par qui on connaît les choses contingentes : c'est la partie calculative, qui délibère et calcule, puisqu'on ne peut délibérer sur du nécessaire. En effet, étant de l'ordre de l'action, et l'action ayant rapport aux choses particulières, la prudence porte sur les faits particuliers. De même, elle ne porte que sur les choses qui comportent quelque fin réalisable. Cette vertu morale est donc une disposition capable de choix. La prudence, tout comme la sagesse, est capable d'énoncer le vrai. Seulement, elle a ceci de particulier qu'elle n'est ni une science, car son objet ne peut être nécessaire, ni un art, car le genre de son action n'est pas une production. Elle est la vertu proprement pratique, et non théorétique ou poïétique. Ainsi, si dans l'art on peut parler d'excellence, ce n'est pas le cas de la vertu, car elle est en elle-même une excellence. Cette distinction est capitale, car on voit clairement que la vertu n'est pas une disposition purement intellectuelle. C'est pourquoi une défaillance, un oubli dans ce domaine constituerait une faute d'ordre moral, et non une simple erreur intellectuelle.
[...] Une science ? C'est impossible, car pour Aristote, on ne cherche pas les choses que l'on sait. Elle n'est pas non plus une justesse de coup d'œil, la sagacité dans la conjecture ou le jugement pertinent, car ces derniers ont lieu indépendamment de tout calcul conscient et sont rapides, alors que la délibération exige beaucoup de temps. Enfin, elle n'est pas une forme d'opinion, car la délibération suppose une certaine rectitude. La bonne délibération est une rectitude de pensée, une recherche et un calcul. [...]
[...] La prudence est la connaissance de la droite règle, la présence de la droite règle dans l'âme du sage. Il faut que la droite règle réside d'une façon intime et inséparable dans la prudence elle-même. C'est en cela que le choix délibératif ne peut être correct sans prudence, ni sans vertu morale, car la vertu morale est ordonnée à la fin. La prudence nous fait accomplir les actions conduisant à la fin, c'est-à-dire les moyens destinés à atteindre la fin. [...]
[...] Ainsi, la vie morale présente une grande unité, où la prudence tient une place centrale. La sagesse est considérée par Aristote comme la meilleure partie de l'intellect. La prudence ne détient pas la suprématie sur la sagesse théorique. On peut comparer le rapport entre la prudence et la sagesse comme un rapport intendant et maître. Le premier ne s'occupe des affaires de ce dernier que pour lui ménager les loisirs qu'exigent ses occupations libérales. Vertu ou excellence de l'intellect pratique, la prudence couronne donc l'édifice de la philosophie pratique. [...]
[...] L'intelligence, tout comme la prudence, ne porte que sur les choses qui sont objet de délibération. A nouveau, à travers l'usage de la raison par la droite règle et de la délibération, apparaît l'unité de la vie morale. Cependant, il ne faut pas oublier que l'éthique elle-même est englobée par la science architectonique qu'est la politique. Dans son Ethique à Nicomaque, Aristote identifie la Politique à la science suprême et architectonique par essence a 25). Ceci peut paraître contradictoire avec ce qu'affirmait ce dernier dans la Métaphysique, où il désignait la sagesse spéculative, ou métaphysique, comme la science architectonique. [...]
[...] La vertu est un choix ou un désir délibératif volontaire, selon la droite raison, des choses qui dépendent de nous. Elle demeure ainsi dépendante de la prudence (ou phronesis), sagesse pratique, qui, elle, est une vertu intellectuelle. C'est afin de mieux comprendre cette notion de prudence que nous allons étudier l'unité de la vie morale chez Aristote et la place qu'y tient la prudence, avant de nous demander quelle est cette droite règle, pour enfin considérer le rôle joué par la Politique dans ce domaine. La prudence est la vertu de la partie calculative de l'âme. [...]
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