Si la matière obéit à des lois, qu'elles soient mécaniques, thermodynamiques ou cybernétiques, celles-ci ne devraient pas souffrir d'exception. Or le vivant a toujours été perçu comme une exception à la matière. Deux solutions se présentent donc aux biologistes qui tentent d'en saisir le sens philosophique : l'une est de nature spiritualiste, l'autre matérialiste. Dans le premier cas, il s'agit de la position vitaliste qui affirme que la vie n'est pas explicable par les mécanismes de la matière inanimée, et sans doute même n'est pas explicable du tout (...)
[...] La finalité interne, elle, consiste dans le fait que chaque organisme est d'abord un tout, qui oriente chaque partie, dans sa genèse et son fonctionnement. La question de la finalité reste un enjeu majeur du débat entre vitalistes et mécanistes : pour les vitalistes, le tout précédé, en quelque sorte, la partie, puisque c'est lui qui donne sens à son existence. Pour les mécanistes, le tout se réduit toujours à l'ensemble des parties, qui suffisent à elles seules à faire le tout. La thèse mécaniste soutient, au contraire, l'idée que l'organisme est comparable a une machine. [...]
[...] Le vivant résulte donc de la structure de la matière elle-même. Reste la question de la conciliation de ce phénomène d'invariance avec l'évolution même du vivant . Monod concilie les deux en postulant le fait du hasard : une mutation apparait dans la molécule d'ADN et si cette apparition peut être statistiquement déterminée, la raison de cette apparition peut, elle, être un jeu de hasard. Hasard, déterminisme et mécanisme, se retrouvent donc. Mais c'est aussi un constat désenchanté que fait Monod lorsqu'il remarque : L'ancienne alliance est rompue ; l'homme sait enfin qu'il est seul dans l'immensité de l'Univers d'où il a émergé par hasard A noter également la place de choix, dans cette conception mécaniste du vivant, de la théorie de Darwin sur le hasard des mutations et la sélection des espèces, qui en a assuré longtemps le triomphe. [...]
[...] Le vivant possède bien une structure à la fois physique et chimique qui est certes importante, puisqu'elle permet la formation de certains mécanismes, mais non essentielle. Ce sont les fonctions, et non la structure, qui assurent le vivant : la fonction crée l'organe (Leriche). Et, pour pouvoir remplir ses fonctions, un organisme est capable de modifier sa structure. Ce qui suppose qu'il se met en mouvement, poussé par une finalité interne*, au contraire de la machine déterminée, elle, par une finalité externe*. [...]
[...] Ainsi, le modèle de l'automate et de la montre domine les références mécanistes du XVIIème et du XVIIIème siècles. Descartes, dans sa célèbre thèse des animaux-machines, montre comment l'agencement du corps humain est fait de telle sorte que les esprits animaux - ce que l'on pourrait appeler aujourd'hui les influx nerveux assurent tous les mouvements, les changements, les sensations, etc. Le corps serait donc une machine faite des mains de Dieu merveilleusement ordonnée, plus parfaite que ne peut l'être tout automate fabriqué des mains de l'homme puis le modèle du moteur thermique et de la machine à vapeur qui rend compte d'une conception thermodynamique du vivant. [...]
[...] Mais la théorie de l'évolution darwinienne n'est pas achevée. Elle a des limites et suscite des polémiques, notamment sur le type de mutation. La certitude des biologistes contemporains en la réalité mécanique du monde vivant se nourrit, en outre, des découvertes plus récentes dont trois principalement : la théorie des structures dissipatives de Prigogine (qui explique les processus irréversibles de la nature vers une complexité croissante), la théorie du chaos de Thom et la théorie des attracteurs. Dans ce débat ou le vivant se trouve coincé entre la matière et l'esprit, véritable défi aux lois de la matière et bousculant la pure spiritualité, personne n'a vraiment le dernier mot . [...]
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