Désirs naturels, animalité, Platon, conscience de soi, besoins physiologiques
Il existe dans la philosophie une tradition critique à l'égard du désir, qui concerne cependant moins le fait de désirer que les objets pouvant être visés par le désir. Il est en effet peu contestable que le désir se présente comme constitutif de la réalité humaine, et l'on voit mal comment il pourrait être supprimé.
Dès lors, on cherche à en limiter la portée en sélectionnant ou en hiérarchisant ses objets, parmi lesquels il est habituel de distinguer, selon certains critères, ceux qui seraient bons ou acceptables et ceux qui seraient à éviter.
[...] celle-ci, à en croire Sartre, caractérise le petit pois ou le Cornichon, mais non l'être humain, qui est lancé dans son existence sans bénéficier d'une essence relativement à laquelle il ne pourrait en effet que persévérer. Même sans essence, l'homme désire: Il n'en reste pas moins que l'homme désire, même si c'est d'une façon pseudo-naturelle dès lors qu'il n'a pas d'essence ou de nature. Est-ce alors en examinant la portée de ce désir que l'on pourra mieux le qualifier? Que vise exactement le désir? Est-ce bien un objet extérieur qu'il a commencé par valoriser, ou autre chose? [...]
[...] Cet apport d'une valeur à la chose autorise en effet à considérer que le désir correspond bien à l'essence, ou nature propre, de l'homme, parce qu'il est l'effort par lequel un être persévère dans son être (ce que Spinoza nomme conatus) et que son mouvement génère des effets en correspondance avec son essence. Tout désir es alors conçu comme naturel en lui-même, et il n'y a plus à se demander s'il peut exister des désirs naturels, puisqu'ils le sont tous. [...]
[...] Si la lutte qu'il évoque peut avoir lieu dans toute culture, les objets sur lesquels porte en apparence le désir ne sont pas partout les mêmes. Il est clair qu'un Indien Nambikwara ne valorise pas les mêmes objets que l'habitant d'une banlieue parisienne: même s'il peut désirer, comme le rapporte Claude Lévi-Strauss dans Tristes Tropiques, faire semblant de savoir écrire pour confirmer son statut de chef, il ne désirera certainement pas constituer une collection de stylos prestigieux! Ce dernier adjectif renvoie à une qualité qui n'est concevable que dans une société ou existent en abondance des stylos, et ou les individus sont prêts à accorder plus de prix à certains modèles. [...]
[...] Mais que devient cette dimension lorsqu'elle est utilisée à des fins d'exhibition ou d'exploitation commerciale, qui font des corps une banale marchandise? Ou retrouver l'authenticité du désir? Bien avant Rousseau, Platon considérait que les désirs portant sur les choses périssables pouvaient mener l'homme à sa perte. A l'inverse, les désirs visant l'intelligible étaient conformes aux attentes et à la nature de l'âme. Il est au moins possible de raviver un aspect d'une telle distinction, pour affirmer qu'à côté de mirages de la consommation, il reste possible de satisfaire des désirs plus intellectuels, concernant, au sens large, le savoir. [...]
[...] Mais ce dernier relève d'une nécessité naturelle et concerne d'abord la survie, au sens purement biologique: j'ai besoin de manger, de respirer ou de dormir, et si ces besoins ne sont pas convenablement satisfaits, c'est mon corps qui ne peut durer. Le désir véritable ne peut donc se manifester qu'une fois les besoins élémentaires satisfaits. Lorsque Epicure (Lettre à Ménécée) évoque des désirs naturels, il prend soin d'y repérer deux niveaux: si les désirs naturels et nécessaires, qui renvoient aux exigences du corps et correspondent précisément aux besoins physiologiques, doivent être satisfaits, il convient de réfléchir avant de céder aux désirs naturels mais non nécessaires. [...]
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