Lorsque Lucien Goldmann caractérise le roman comme un « genre où, contrairement à
l'épopée et au conte, le héros est en rupture insurmontable avec le monde », il entend définir
le romanesque en exclusivité à partir de celui que l'on appelle le personnage principal du récit,
en lui accordant une singularité profonde qui l'oppose tout à fait aux protagonistes des récits
merveilleux. D'emblée, Goldmann condamne le héros romanesque à un isolement de et dans
l'univers diégétique, sans lui promettre la moindre chance de s'émanciper de cette mise à
l'écart, de cette surdité mutuelle entre le monde et lui. Ce monde lui est, fatalement, inadapté.
Comment expliquer ce jugement sans appel du héros romanesque, qui, le confrontant à une
impasse, ne peut que lui retirer sa dimension héroïque ? En s'attachant à montrer en quoi
diffèrent fondamentalement les héros épiques et merveilleux du héros romanesque, cette
étude tentera d'approcher ce qui, intrinsèquement chez le héros romanesque, le condamne à
l'isolement, tout en précisant que, de par l'abandon de la nécessité du héros dans le roman du
20e siècle, cette rupture du héros révèle une crise du genre romanesque même.
[...] Flaubert la condamne pourtant à une rupture totale avec sa réalité, dont l'impossible dépassement finira par la conduire au suicide. C'est en cela que réside la fatalité sous-entendue par Goldmann : le héros de roman est condamné à désirer et donc à se languir, sans jamais pourvoir obtenir et conserver l'objet de son désir. Cette vocation tragique est d'autant plus saisissante dans la Princesse de Clèves de Madame de La Fayette. Pourtant profondément éprise du duc de Nemours, Madame de Clèves contient et nie son désir pour ne pas être accusée de vice et pour honorer la mémoire de défunt mari. [...]
[...] Le personnage de Roman - Commentaire d'une citation Sujet Dans Pour une sociologie du Roman, Lucien Goldmann caractérise le roman comme un genre où, contrairement à l'épopée et au conte, le héros est en rupture insurmontable avec le monde. Lorsque Lucien Goldmann caractérise le roman comme un genre où, contrairement à l'épopée et au conte, le héros est en rupture insurmontable avec le monde il entend définir le romanesque en exclusivité à partir de celui que l'on appelle le personnage principal du récit, en lui accordant une singularité profonde qui l'oppose tout à fait aux protagonistes des récits merveilleux. [...]
[...] Si les désirs sont le moteur de l'action du protagoniste, l'on comprend mieux d'où pourrait provenir son inadéquation au monde diégétique, cette rupture insurmontable dont parle Goldmann. En effet, le personnage ne sait peut-être pas, au départ d'une histoire, ce qu'il désire réellement. Il ne le découvrira peut-être jamais. Et c'est en proie à cette errance, à cette impuissance, à cette ignorance que le protagoniste aura l'air de se perdre dans le monde diégétique, en marge de cet univers. Voyage au bout de la nuit de Céline illustre parfaitement cette ignorance du désir qui n'en reste pas moins le moteur de l'action de Bardamu. [...]
[...] Frédéric, dans l'Education Sentimentale, est en décalage avec son monde, romantique au temps du réalisme le plus cruel. Mais Flaubert l'avoue dans ses correspondances, Frédéric n'est que le reflet de cette génération perdue née trop tôt ou trop tard, dont l'auteur de Madame Bovary a lui-même fait partie. Le malaise du héros, sa gaucherie, lui viennent de ce malaise plus grand encore dans lequel vit son créateur. Finalement, le propos de Goldmann prend tout son sens lorsque l'on distingue d'abord le roman du récit merveilleux, distinction qui se comprend en réalité à travers la différence fondamentale qui existe entre le héros romanesque et le héros du conte ou de l'épopée. [...]
[...] La révolte contre le personnage n'est plus tant une révolte contre son existence que contre sa nature déterminée par l'auteur, et qui dès lors perd toute crédibilité et vraisemblance. Le seul moyen de sortir de ce déterminisme est donc d'offrir un champ de liberté plus vaste au personnage, c'est l'écriture de soi. Mais non une écriture autobiographique aussi affichée que dans les Confessions de Rousseau, pas une écriture de soi de la culpabilité, de la justification ou du règlement de compte. [...]
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