S'il est bien un reproche fréquemment adressé à l'art, c'est qu'il « ne sert à rien », reproche qu'il ne viendrait à l'esprit de personne de faire à l'égard de la science. Tout d'abord parce que celle-ci bénéficie d'un respect de principe, mais aussi parce que l'univers contemporain n'en finit pas de montrer ses conséquences pratiques.
Affirmer que la science serait ainsi plus nécessaire que l'art reviendrait à considérer que la première participe de la définition même de l'homme, de ses facultés et de son univers, alors que le second relèverait du superflu ou de la contingence. Pour peu que l'on admette que la nécessité ne se définit pas entièrement par l'utilité, on peut cependant constater que celle de l'art s'affirme universellement, ce qui n'est pas le cas de la science : c'est que la nécessité de l'art répond sans doute à des aspects plus fondamentaux de l'existence humaine que le souci de se rendre « maître et possesseur de la nature », même travesti en besoin de connaissance.
Lorsqu'on affirme qu'une existence est nécessaire, c'est pour signaler que son absence ne serait pas concevable : la chose ne peut pas ne pas être. De la sorte, se demander si l'art est moins nécessaire que la science, c'est en fait attribuer à l'art une véritable contingence : on semble supposer que son absence, son éclipse ou même sa disparition serait pour l'existence de l'homme beaucoup moins grave que celle de la science. Il est vrai que si nous étions privés de toute connaissance scientifique, l'univers contemporain nous deviendrait incompréhensible, et ne tarderait pas à disparaître car nous ne saurions plus le maintenir en état de fonctionnement (...)
[...] Seul un être humain entièrement défini par les exigences de sa raison ou le souci de son confort serait comblé par la science et ses applications. Mais il y a dans l'homme des aspects irréductibles à la seule raison, qui relèvent de la sensibilité ou de l'imaginaire, et que la seule articulation de lois et de concepts rigoureux ne satisfait aucunement: l'art, et lui seul, est en mesure de leur correspondre. Il est donc (au moins) aussi nécessaire que la connaissance scientifique, comme l'indique son antériorité par rapport à cette dernière, et ses vérités même si elles ne sont pas scientifiques, ne cesseraient de plaire ou de séduire que si l'homme se trouvait amputé d'une part de ce qui le fait vivre. [...]
[...] L'imaginaire et le plaisir complètent la raison efficace: Cette dimension métaphysique avec ce qu'elle sous entend d'illusoire, révèle que l'homme ne peut être réduit au seul besoin de connaître le réel et d'agir efficacement sur lui. Son existence inclut une dimension symbolique, imaginaire, onirique, qui demande à être satisfaite au moins autant que sa rationalité. Cette dernière, comme l'affirmait déjà Aristote, n'est concernée que par le général ou l'universel (des lois), mais l'être humain est aussi attiré par la singularité, qui trouve satisfaction dans les œuvres d'art nous offrant des formes, des dispositions (de couleurs ou de mots), des compositions (picturales ou musicales) relevant de styles singuliers. [...]
[...] Il n'en reste pas moins que ce qualificatif a l'avantage de rappeler que l'art se présente comme un des premiers éléments constitutifs de la culture humaine. L'art est un élément culturel fondamental: L'art apparaît, historiquement, en parallèle avec le langage ou le travail, pour définir toute culture, simplement entendue comme ce que l'homme ajoute aux données naturelles. Que ce soit sous l'aspect d'un décor peint ou gravé sur une paroi ou sous celui d'un marquage du corps, il affirme la distance qui existe entre milieu naturel et milieu humain. [...]
[...] Si l'on en croit Georges Braque, on doit admettre que la science rassure, alors que l'art inquiète En effet, la science rassure dans la mesure ou elle nous donne des explications de phénomènes naturels et rend le monde moins incertain. On pourrait objecter que, dans ses développements récents, le techno-scientifique a aussi de quoi inquiéter par ses aspects négatifs, mais, comme il semble très improbable que l'on puisse renoncer à ses performances, c'est encore de la science que l'on attend en général qu'elle soit capable de corriger ses propres excès. Et cette universalité n'a rien à voir avec une quelconque utilité: Pourquoi, s'il inquiète, l'art est-il néanmoins toujours et partout présent? [...]
[...] L'art est-il moins nécessaire que la science? S'il est bien un reproche fréquemment adressé à l'art, c'est qu'il ne sert à rien reproche qu'il ne viendrait à l'esprit de personne de faire à l'égard de la science. Tout d'abord parce que celle-ci bénéficie d'un respect de principe, mais aussi parce que l'univers contemporain n'en finit pas de montrer ses conséquences pratiques. Affirmer que la science serait ainsi plus nécessaire que l'art reviendrait à considérer que la première participe de la définition même de l'homme, de ses facultés et de son univers, alors que le second relèverait du superflu ou de la contingence. [...]
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