La maladie dès lors influe t elle sur le statut existentiel de l'homme de façon objective ou seulement subjective ? La spécificité d'une telle influence, selon quelle norme et en fonction de quelle règle doit elle être posée et discutée ? De quelle manière cette influence est elle vécue par le malade ? L'existence du malade peut elle être analysée de l'extérieur ou reste t elle hermétique et muette à toute analyse qui tenterait de la comprendre ?
Si la maladie semble être le lot de chaque homme et n'être ainsi qu'une forme d'expression normale, non spécifique mais seulement particulière de la vie, en réalité en tant qu'elle est avant tout vécue la maladie agit sur le statut de l'existence en la plaçant dans un ordre déchu et dégradé que seul le malade peut ressentir. Enfin le malade ne peut se résumer à cet objet inerte et souffrant, la maladie le place dans une existence qu'il combat, posant systématiquement une autre réalité, un autre monde en fonction des quels sa maladie sera toujours ressentie comme injuste, anormale et donc spécifique.
[...] Le malade se met comme au service du logos qui parle en lui. Le statut conféré par la maladie à l'existence humaine revient à une expérience de l'universel. Elle arrache l'existence humaine de son enracinement dans le particulier. Cette manière d'être, cette existence semble être particulièrement instable, la bile noir étant elle-même un mélange instable. Cette stabilité n'est cependant pas sans norme, sans une certaine constance (homalon). Aristote établit cette constance par une explication physiologique, le refroidissement et le réchauffement de la bile noire parvenant à se fixer dans une moyenne (méson). [...]
[...] Quels liens existent-ils entre les maladies particulières et le statut existentiel de l'homme. Dans son acception générale (une pathologie), la maladie peut être vue comme une déviation par rapport au chemin normal de la vie, une corrosion de la nature. Or la maladie n'est qu'une forme d'expression de la vie elle- même. Un homme malade, un homme sein tous deux témoignent de la vie. En effet la maladie n'est pas un facteur contre nature qui, en s'opposant à elle, viendrait réorganiser un ordre existentiel spécifique, qui s'opposerait à la nature vivante en tant qu'elle serait l'annonce d'une mort prochaine. [...]
[...] Finalement le statut de l'existence influencé par la maladie n'est pas un statut simple, indentifiable et analysable de façon clinique. Ce statut n'est pas une forme extérieure sans contenu il est une forme vécue et supportée. Il est un phénomène intérieur qui certes s'extériorise et se manifeste mais sa nature est proprement celle de l'expérience personnelle, maladie vécue. La maladie influence l'existence de l'homme en venant redéfinir sa position hiérarchique dans le réel sous le mode de la déchéance par la comparaison avec l'existence des autres hommes. [...]
[...] Tel l'homme révolté de Camus, en négatif de la souffrance liée à la maladie se dessine le contour d'un projet, d'un but. Le malade est celui qui tente de se sortir de son existence amoindrie et de redéfinir son statut existentiel, de renouer un lien entre lui et le monde. Cette réflexion ne s'oppose pas à la vision du malade souffrant et abattue. Abattement et combat sont en fait pris dans un même processus. Les sentiments d'abandon et d'insatisfaction sont toujours suivis en négatif, du désir de les dépasser. [...]
[...] Le référentiel que nous avons suivi jusqu'ici était celui de la vie. L'existence malade est normale parce qu'elle fait partie de la vie, elle y est incluse. La maladie est normale car elle est prise dans l'existence, elle s'impose à elle. Comme si tout ce qui était dans la vie était normal et à cet égard non spécifique. Mais qui peut juger du degré de normalité, de légitimité de l'existence malade? Que dire de l'existence intérieure, de l'expérience de celui qui souffre ? [...]
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