Dissertation: L'égalité nuit-elle à la liberté ?
Les mots « liberté » et « égalité » sont souvent associés dans les textes à vocation unitaire, comme la devise « liberté, égalité, fraternité » ou les déclarations des droits de l'Homme : « les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits » en 1789, « les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits » dans celle de 1948.
[...] En effet, l'inégalité économique, autant que l'inégalité des droits, peut fonder la domination d'un citoyen sur l'autre, et ce n'est pas limiter la liberté des uns que de faire des lois permettant d'égaliser les conditions. En effet, dire que la liberté politique, la liberté intellectuelle, disparaîtront avec l'avènement de la propriété sociale, c'est dire que le servage économique de la classe ouvrière est le condition de la liberté : c'est dire que de même que le noble loisir du citoyen antique était procuré par la classe servile, le prolétariat moderne doit se résigner au salariat pour procurer aux sociétés humaines, en quelques éléments privilégiés, la noblesse et la liberté, la dignité de vie (Jaurès, Socialisme et liberté). [...]
[...] Qu'entend-til par là ? L'introduction de la Démocratie en Amérique répond partiellement à cette question : Parmi les objets nouveaux qui, pendant mon séjour aux Etats-Unis, ont attiré mon attention, aucun n'a plus vivement frappé mes regards que l'égalité des conditions. Je découvris sans peine l'influence qu'exerce ce premier fait sur la marche de la société ; il donne à l'esprit public une certaine direction, un certain tour aux lois ; aux gouvernants des maximes nouvelles, et des habitudes particulières aux gouvernés. [...]
[...] Jean-Jacques Rousseau propose dans son Contrat social une définition de cette égalité, nécessaire à l'exercice de la liberté : Si l'on recherche en quoi consiste précisément le plus grand bien de tous, qui doit être la fin de tout système de législation, on trouvera qu'il se réduit à deux objets principaux, la liberté et l'égalité. La liberté, parce que toute dépendance particulière est autant de force ôtée au corps de l'Etat ; l'égalité, parce que la liberté ne peut subsister sans elle. La liberté doit donc être telle qu'elle empêche les dépendances particulières. Rousseau vise ici certes les conditions de servage de l'Ancien Régime, mais probablement aussi déjà un rapport de salariat. Son idéal est clairement celui du petit artisan, propriétaire de ses propres outils, qui travaille pour son compte. [...]
[...] Ainsi, si l'on suit Hobbes, les sujets d'une dictature sont libres, les hommes qui meurent de faim sont libres, etc. De plus, la liberté est définie comme purement négative, elle n'est que ce qui n'est pas interdit : La liberté des sujets ne réside que dans les choses que le souverain a passées sous silence, par exemple la liberté d'acheter, de vendre, et de conclure d'autres contrats les uns avec les autres ; de choisir leur résidence, leur genre de nourriture, leur métier, d'éduquer leur enfants comme ils le jugent convenable, et ainsi de suite. [...]
[...] Pour conclure, nous avons donc vu que non seulement l'égalité ne nuit pas à la liberté, mais qu'elle est même une condition nécessaire à la liberté. D'ailleurs, dans l'histoire, le développement de l'une a toujours accompagné le développement de l'autre, d'abord par une égalisation des conditions juridiques (l'égalité de droit), puis par une égalisation des conditions matérielles (l'égalité réelle). Aujourd'hui, le mouvement se poursuit, mais ce ne peut être un mouvement automatique : aussi bien l'égalité des droits que l'accroissement de l'égalité matérielle ont toujours été arrachés de haute lutte par ceux qui n'en bénéficiaient pas. [...]
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