[...] La philosophie n'a pas immédiatement été capable de penser l'homme dans son universalité. Les penseurs grecs excluent volontiers de l'humanité normale, c'est-à-dire de celle qui répond aux normes qu'ils définissent comme devant caractériser l'homme, ceux qu'ils nomment « barbares ». Ce sont avant tout des individus qui, ignorant la langue grecque (l'étymologie les désigne comme utilisant un langage d'oiseau), ne peuvent en conséquence participer de la raison. Aussi Platon et Aristote n'ont-ils aucun scrupule à considérer qu'ils sont destinés à devenir des esclaves, Aristote précisant d'ailleurs que cette servitude ne peut que les améliorer en leur fournissant au moins une teinture de langue humaine. Les stoïciens ont sans doute été les premiers à considérer l'humanité présente en tout homme, indépendamment de son statut, de son origine ou de sa nationalité. Mais cette attitude nouvelle n'a, pas davantage que le christianisme à ses débuts, pas suffi pour en finir avec le rejet subi par certaines populations ou sociétés visiblement trop étrangères à l'Occident.
[...] Il n'en reste pas moins que celui que je qualifie « d'inhumain » devrait, ou aurait pu, être un homme : l'accusation d'inhumanité ne concerne en rien un animal, elle révèle chez celui qu'elle vise l'absence d'un accomplissement attendu ou, si l'on préfère, la présence de ce qui devrait ne pas se manifester, de ce qu'il aurait fallu refuser. Dire ou constater qu'un autre m'est complètement étranger témoigne d'une sorte de déception: là ou je prévoyais de rencontrer un homme, je ne trouve que sa négation. Celle-ci est pourtant seconde : elle annule l'acquisition amorcée de l'humain. On n'accuse pas le « monstre » d'être né tel (son cas relèverait de la simple pathologie), on sous entend qu'il est bien devenu ce que l'on refuse (...)
[...] A - Comment repérer le barbare La philosophie n'a pas immédiatement été capable de penser l'homme dans son universalité. Les penseurs grecs excluent volontiers de l'humanité normale, c'est-à-dire de celle qui répond aux normes qu'ils définissent comme devant caractériser l'homme, ceux qu'ils nomment barbares Ce sont avant tout des individus qui, ignorant la langue grecque (l'étymologie les désigne comme utilisant un langage d'oiseau), ne peuvent en conséquence participer de la raison. Aussi Platon et Aristote n'ont-ils aucun scrupule à considérer qu'ils sont destinés à devenir des esclaves, Aristote précisant d'ailleurs que cette servitude ne peut que les améliorer en leur fournissant au moins une teinture de langue humaine. [...]
[...] Un homme peut il m'être complètement étranger? N'est-il pas normal de reconnaître dans toute silhouette humaine au moins une parcelle d'humanité commune ? Même si mon voisin a un comportement délictueux que je réprouve, j'ai tendance à admette qu'après tout, nul n'est parfait et que tout homme peut avoir des faiblesses. Il n'en reste pas moins que, tant pour la conscience collective telle qu'elle s'est historiquement manifestée que pour ma conscience individuelle lorsqu'elle est heurtée par l'actualité, certaines conduites paraissent inhumaines ou monstrueuses Le monstre par l'horreur qu'il suscite, paraît devoir être considéré comme radicalement ou absolument étranger à ce que je suis ou prétends être. [...]
[...] Barbare et sauvage, s'ils ne sont pas immédiatement semblables à nous, pourraient donc le devenir à long terme, soit par l'affranchissement, soit pas l'acceptation des valeurs de l'Occident. Et lorsque le sauvage commence à être perçu comme bon les théoriciens politiques l'utilisent volontiers, non comme modèle à suivre, mais plutôt comme moyen pour critiquer les institutions européennes, qu'il s'agit alors de réorienter ou d'améliorer. Mais le rejet peut être réciproque: Dans les contacts entre cultures différentes, le rejet des autres hommes n'a pourtant pas été une spécificité européenne. [...]
[...] III- Comment penser l'humanité du mal? Il n'y a que l'homme qui puisse être inhumain: Il n'en reste pas moins que celui que je qualifie d'inhumain devrait, ou aurait pu, être un homme : l'accusation d'inhumanité ne concerne en rien un animal, elle révèle chez celui qu'elle vise l'absence d'un accomplissement attendu ou, si l'on préfère, la présence de ce qui devrait ne pas se manifester, de ce qu'il aurait fallu refuser. Dire ou constater qu'un autre m'est complètement étranger témoigne d'une sorte de déception: là ou je prévoyais de rencontrer un homme, je ne trouve que sa négation. [...]
[...] Certains comportements semblent pourtant inhumains: Il semble néanmoins difficile, sinon impossible de ne pas réagir, face à certains comportements d'autres hommes, par une accusation de sauvagerie ou de barbarie. Il ne s'agit plus, dans de tels cas, de faire allusion à leur absence de logos (raison) ou à leur vie sylvestre; il est plutôt sous entendu que certains actes ne peuvent indiquer qu'une absence totale d'humanité. C'est alors que d'un homme, je crois pouvoir dire qu'il m'est totalement étranger, c'est-à-dire que je n'ai rien, et ne veux rien avoir, de commun avec lui. Comment partager quoi que ce soit avec un bourreau nazi? [...]
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