Même s'il est souvent synonyme de contraintes subies et de fatigue, le travail est admis comme au moins utile : n'est-ce pas lui qui rend accessible ce qui est nécessaire pour combler les besoins ?
Cependant, en liant ainsi travail et besoins, ne se condamne-t-on pas à ne saisir que partiellement la portée du travail ? Car il ne consiste pas seulement à oeuvrer en matière, il modifie simultanément celui qui s'y adonne, promouvant son humanité et, malgré certaines apparences, sa liberté.
[...] Selon Platon (Protagoras), le travail a pour origine la faiblesse de l'homme, qui reste selon Aristote l'animal le plus démuni, dont le seul outil « naturel » est la main. Lorsqu'il imagine la formation des premières sociétés, Rousseau souligne qu'elle entraîne un déséquilibre entre leurs besoins et les ressources proposées par la nature: c'est bien alors que le travail devient nécessaire.
[...] C'est bien parce qu'il accorde de l'importance au travail que Marx y voit la réalité autour de laquelle s'organise la lutte des classes, moteur de l'histoire. Même d'un point de vue différent, il est facile de constater que le passage à un mode occidental de travail (exploitation de matières premières et industrialisation relative) transforme radicalement les sociétés qui l'ignoraient (...)
[...] C'est par le travail que la culture s'installe dans la durée C'est ainsi grâce à la production des objets (quelles qu'en soient la nature et les dimensions) que l'on peut prendre conscience de l'histoire d'une culture: ses différents moments restent présents, non seulement dans ses monuments officiels, mais aussi et surtout dans l'accumulation des habitats, des lieux de production, des paysages tels qu'ils sont devenus. Il n'est donc pas surprenant que l'on puisse aussi célébrer les formes anciennes du travail ou ce qui en subsiste dans des musées (de l'outil, du compagnonnage, archéologiques ou s'affirme la constance, à travers ses variations historiques, de l'activité laborieuse d'une société. De la sorte, il devient sensible que le travail, indépendamment de son utilité à court terme, véhicule des valeurs plus durables. [...]
[...] Le travail contemporain n'a de la sorte plus grand-chose de commun avec le travail tel qu'il était sous l'Antiquité. Il transforme les sociétés C'est bien parce qu'il accorde de l'importance au travail que Marx y voit la réalité autour de laquelle s'organise la lutte des classes, moteur de l'histoire. Même d'un point de vue différent, il est facile de constater que le passage à un mode occidental de travail (exploitation de matières premières et industrialisation relative) transforme radicalement les sociétés qui l'ignoraient. [...]
[...] De ce point de vue, on peut admettre que la mise au point de l'agriculture et de l'élevage, puis de la métallurgie, compose les premières grandes révolutions de l'histoire de l'homme (Lévi Strauss confirme à sa façon le mythe de Prométhée). Elle se vérifie pour chaque individu Le travailleur perçoit un salaire grâce auquel il peut se procurer ce qui lui est nécessaire. Le travail est également utile en ce qu'il confirme l'intégration de l'individu à son groupe social et à la société tout entière. Cette insertion dans la communauté aurait de plus, selon Freud, l'avantage d'orienter positivement, vers le réel, un certain nombre de pulsions inconscientes compris libidinales) et serait un facteur d'équilibre pour le sujet. [...]
[...] Travailler, est-ce seulement être utile ? Même s'il est souvent synonyme de contraintes subies et de fatigue, le travail est admis comme au moins utile : n'est-ce pas lui qui rend accessible ce qui est nécessaire pour combler les besoins ? Cependant, en liant ainsi travail et besoins, ne se condamne-t-on pas à ne saisir que partiellement la portée du travail ? Car il ne consiste pas seulement à œuvrer en matière, il modifie simultanément celui qui s'y adonne, promouvant son humanité et, malgré certaines apparences, sa liberté. [...]
[...] Travailler, c'est dès lors acquérir une dignité particulière, qui se distingue pleinement de la simple utilité, et désigne la capacité de collaborer, non seulement à une œuvre collective, mais, plus largement, à l'histoire de l'humanité tout entière. Il est peu contestable que la plupart des hommes travaillent parce qu'ils y sont poussés par la nécessité: il faut gagner sa vie Mais si le sens du travail n'allait pas au-delà de cette utilité à court terme, chacun ne consentirait qu'à travailler le moins possible. [...]
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