Etre responsable de ce que je suis, c'est répondre de mon être, c'est-à-dire de mon caractère, de mes capacités ou de ma conduite.
Il est pourtant facile et tentant, pour peu que je me trouve dans une situation où l'on me reproche précisément d'être ce que je suis, de faire valoir que ma responsabilité est en réalité bien limitée : ne suis-je pas d'abord le produit d'un certain milieu, d'une éducation, d'habitudes sociales, ou, d'un point de vue complémentaire, ne suis-je pas influencé par mon inconscient ? Mais m'abriter derrière de tels facteurs, c'est aussi renoncer à me poser comme sujet, auteur de mes actes et de ma vie.
[...] Du point de vue simplement juridique, être responsable c'est pouvoir répondre de ses actes, c'est-à-dire s'en reconnaître comme l'auteur. Mais « ce que je suis » ne semble pas devoir se résumer à un ensemble ou à une succession d'actes : la formule fait allusion à une intériorité (un caractère, une personnalité) en même temps qu'à une histoire et sans doute à un devenir puisque cette histoire n'est pas achevée. Ce moi, c'est aussi ma façon d'être, mes habitudes, mon affectivité, ou encore mon niveau intellectuel, ma culture, etc. Toutes dimensions que je peux en effet ressentir comme me constituant, même si je ne suis pas amené à les revendiquer en permanence comme miennes.
[...] Lorsque Kant distingue, dans l'être humain, deux « caractères », c'est pour rassembler d'un côté (dans le « caractère empirique ») l'ensemble des déterminations que l'on peut repérer dans la conduite, ce qui inclut à l'avance, en quelque sorte, tous les enseignements des sciences humaines. Il est de ce point de vue incontestable que « ce que je suis » résulte, dans une certaine mesure seulement, des milieux qui m'ont formé et de mes désirs inconscients. Mais, de l'autre côté, le « caractère rationnel » souligne clairement qu'il y a dans l'homme un noyau rationnel (...)
[...] La responsabilité implique donc une capacité de réfléchir sur ses actes et sur leurs conséquences. Comprendre qu'on est responsable, c'est admettre qu'on a provoqué tel phénomène et que ce dernier a pu entraîner des conséquences qui, même non prévues, doivent être assumées. Elle implique aussi une indépendance, notamment de l'esprit C'est bien pourquoi l'idée d'exiger d'un animal qu'il soit responsable de ce qu'il est ne peut venir à l'esprit : sauvage, il n'obéit qu'aux lois de son espèce ; domestiqué, il dépend de son dressage; en aucun cas, il ne peut donc être responsable. [...]
[...] L'enseignement freudien montre qu'indépendamment de ce que je crois savoir de moi-même et de ce que je suis, la zone de l'appareil psychique nommée inconscient (au sens strict) rassemble des affects, des désirs, des pulsions, qui restent par définition étrangers à ma conscience, alors même qu'ils ne cessent d'influencer mes goûts, ma sensibilité, mon affectivité et finalement ma conduite. Comment, dès lors, pourrais-je me sentir responsable de ce que je suis, si ce que je suis dépend, non seulement de facteurs externes de détermination, mais aussi des pulsions que je méconnais alors qu'elles m'influencent? [...]
[...] Suis-je responsable de ce que je suis? Etre responsable de ce que je suis, c'est répondre de mon être, c'est- à-dire de mon caractère, de mes capacités ou de ma conduite. Il est pourtant facile et tentant, pour peu que je me trouve dans une situation où l'on me reproche précisément d'être ce que je suis, de faire valoir que ma responsabilité est en réalité bien limitée : ne suis-je pas d'abord le produit d'un certain milieu, d'une éducation, d'habitudes sociales, ou, d'un point de vue complémentaire, ne suis-je pas influencé par mon inconscient ? [...]
[...] II- Cependant, ce que je suis ne résulte-t-il pas de nombreuses influences ? Plus fort que l'hérédité, l'héritage culturel La biologie enseigne que certaines lois déterminent la couleur des yeux ou celle des cheveux dans une famille. Cette hérédité, peu contestable, n'est pourtant pas un facteur qui détermine sérieusement ce que je puis être. Plus grave est évidemment le cas de déficiences ou d'infirmités d'origine héréditaire : il semble difficile cette fois de nier qu'elles influencent lourdement ce qu'un individu peut être. [...]
[...] C'est évidemment ce caractère rationnel qui distingue l'homme des autres êtres et qui assure sa dignité. Or la capacité législatrice relève précisément d'une liberté radicale qui, bien que non démontrable puisque métaphysique, peut au moins être devinée ou postulée comme raison d'être de l'autonomie de la volonté. Envisagé sous cet angle, ce que je suis est sans doute vu d'un point de vue moral, mais n'Est-ce pas précisément ce à quoi se demander si je suis responsable de ce que je suis invite? [...]
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