L'ensemble de cours prononcés au Collège de France entre le 7 janvier et le 17 mars 1976, 'Il faut défendre la société' tient une place à part dans l'oeuvre de Michel Foucault. L'objet du cours 'Il faut défendre la société' est de pouvoir saisir l'opportunité d'une étude du pouvoir par la guerre, de savoir si c'est 'du côté du rapport belliqueux, du côté du modèle de la guerre, du côté du schéma de la lutte, des luttes, que l'on peut trouver un principe d'intelligibilité et d'analyse du pouvoir politique'
[...] Guerre et pouvoir : quelle efficacité pour la grille de lecture que propose Michel Foucault ? Foucault développe à nouveau dans " Il faut défendre la société " l'idée d'un pouvoir intrasocial, d'un pouvoir disciplinaire qui ne correspond en rien à celui analysé par la théorie de la souveraineté. Ce thème est classique chez Michel Foucault : le pouvoir, sous sa forme disciplinaire, est défini dans Surveiller et Punir (Gallimard page 140) comme " une multiplicité de processus souvent mineurs, d'origine différente, qui se recoupent, se répètent, ou s'imitent, prennent appui les uns sur les autres, se distinguent selon leur domaine d'application, entrent en convergence et dessinent peu à peu l'épure d'une méthode générale La critique du pouvoir, où plutôt sa reformulation, passe par la critique complète du droit qui reste une explication insuffisante du pouvoir, alors que de nouvelles formes de pouvoir, plus diffuses, se sont développées : " des mécanismes de pouvoir très nouveaux ont peu à peu pénétré cette forme ancienne de la monarchie juridique qui sont probablement irréductibles à la représentation du droit En fait, dans notre société, telle qu'elle a évolué, le juridique peut de moins en moins être le système de représentation du pouvoir. [...]
[...] Jusqu'à cette période la guerre n'était pas l'arme d'un seul homme. Tout le corps social, à ses divers niveaux, était susceptible de recourir à la guerre. Il ne s'agit pas ici de la guerre que Hobbes présente dans Léviathan. En effet, la guerre chez Hobbes n'est qu'une image de l'état de nature. Elle n'est pas la guerre des batailles quotidiennes, les individus ne s'y battent pas mais se contentent de juger la force de l'autre. C'est une guerre des représentations. [...]
[...] Apparu en France au moment des guerres de Religion et en Angleterre, et développé par des auteurs tels Boulainvilliers, Sieyès ou Augustin Thierry en France, et Edward Coke en Angleterre, puis repris par les biologistes racistes et eugénistes, ce discours postule l'idée d'une pérennité de la guerre. Lorsque la paix semble dominer les rapports sociaux, la guerre est sous-jacente, mais toujours présente : " la guerre n'est pas conjurée. D'abord, bien sûr la guerre a présidé à la naissance des Etats : ( . [...]
[...] Dans son analyse des menaces pesant sur la race allemande, il n'aurait pas conçu les mélanges culturels comme une menace, puisque seuls les mélanges de sang, qui auraient diffusé l'infériorité génétique des juifs, par exemple, étaient condamnés. Ainsi, l'analyse de Michel Foucault était valide lorsque l'on comprenait le racisme comme une infériorité de race. A partir du moment où l'on a pu démontrer que le concept de race était une aberration scientifique, la reformulation du discours raciste sous un jour culturel, a mis à mal l'alliance du racisme et du bio-pouvoir. [...]
[...] Le corps social est désormais articulé sur deux races. En conséquence, " nous avons à défendre la société contre tous les périls biologiques de cette autre race, de cette sous-race, de cette contre-race que nous sommes en train, malgré nous, de constituer Cette volonté de vaincre investit tous les domaines de la vie civile. Ainsi l'histoire ne sera plus l'histoire de la souveraineté, celle des lois et des institutions, mais celles des victoires et des défaites de son groupe d'appartenance, des exemples à ne plus réitérer ou à méditer ce discours va se rapprocher d'un certain nombre de formes épiques, ou mythiques ou religieuses qui, au lieu de raconter la gloire sans taches et sans éclipses du souverain, s'attachent au contraire, à dire, à formuler le malheur des ancêtres, les exils et les servitudes L'histoire des races devient la contre-histoire qui mobilise le corps social. [...]
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