« Il n'existe pas de véritable démocratie et il n'en existera jamais. S'il existait un peuple de dieux, il se gouvernerait démocratiquement. Un gouvernement si parfait ne convient pas à des hommes ». Ce constat sévère qu'exprime Rousseau dans son livre fondateur Du Contrat Social (1762) révèle une conception assez pessimiste de la capacité des hommes à prendre des décisions en commun, pour le bien de tous. Ainsi, le théoricien du contrat social n'envisageait la possibilité de mettre en oeuvre ses idées que dans le cadre d'un Etat de petite taille, à l'image de sa ville d'origine, Genève.
[...] D'où l'idée de Kant, dans son Projet de paix perpétuelle (1795), d'étendre à tous les Etats demeurés dans l'état de nature, la constitution de forme républicaine dans la mesure où les citoyens ayant le pouvoir de décision, ils seront moins enclins à se lancer dans une guerre aventureuse. A l'inverse, l'exercice par un seul du pouvoir de décision est de plus en plus assimilé à une confiscation pure et simple du pouvoir. Les régimes totalitaires ont remplacé la prise de décision par chacun par la dictature d'un parti ou d'un chef unique. La formule fameuse de Mussolini Tout dans l'Etat, tout par l'Etat, tout pour l'Etat laisse peu de place à la délibération démocratique. I. [...]
[...] La décision en commun, dans la mesure du possible, ne doit pas être préjudiciable à l'efficacité de la décision. Le principe de collégialité, garantie pour le justiciable de l'impartialité de la décision rendue, ne doit pas empêcher le juge de trancher, de dire le droit. Plus largement, décider c'est agir, de façon performative, c'est faire des arbitrages et prendre des risques. Face à l'illusion répandue du risque zéro, le décideur public doit concilier le principe de précaution avec la nécessité de ne pas porter préjudice aux avancées de la recherche. [...]
[...] Si, comme le rappelle J. Bentham, c'est le regard de l'opinion qui rend l'homme politique vertueux A. Sauvy a tôt fait de souligner que les courants d'opinion sont souvent des courants contraires. L'opinion publique juge, suggère rarement, et ne produit jamais La décision collective est un acte créateur, fait en conscience alors que le suivisme pur et simple des courants d'opinion est le plus souvent stérile. Au total, si la multiplication des revendications en faveur d'une participation accrue à la prise de décision témoigne d'une certaine vitalité démocratique que les acteurs doivent prendre en compte, elle n'est pas à l'abri de dérives qui reflètent la difficulté de mettre en œuvre ce principe de participation. [...]
[...] Si, dans un couple, selon la formule de Engel, la femme est le prolétariat et le mari le bourgeois comment parvenir à décider ensemble sans léser une des parties ? En cela, les revendications croissantes en faveur d'une participation accrue dans la prise de décision conduisent à ce que les autorités traditionnellement dépositaires de l'intérêt général agissent davantage par la voie de la persuasion que par celle de la contrainte. En premier lieu, les revendications en faveur d'une décision partagée révèlent une évolution profonde de la conception de l'intérêt général. [...]
[...] Par exemple, les usagers sont de plus en plus invités à participer à la mise en œuvre d'un service public, mais le niveau de qualification de leurs représentants est parfois insuffisant, ce qui s'explique aisément compte tenu de la technicité croissante des décisions à prendre. En outre, décider en commun suppose que chacun ait la volonté de participer au processus de décision. Dénonçant, dans la lignée de la Boétie et de son concept de servitude volontaire, les risques du despotisme doux inhérent selon lui à la démocratie, Tocqueville estimait que les citoyens, dans les régimes démocratiques, sortent un moment de la servitude pour désigner leur maître, et y rentrent. [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture