La tradition philosophique nous a légué deux manières de penser le vivant ; l'une consiste à concevoir le corps vivant comme mû par une force irréductible à toute analyse ; l'autre consiste à le penser comme un ensemble de parties extérieures les unes aux autres et réagissant les unes sur les autres - ce corps réagissant d'autre part aux sollicitations du monde extérieur. La première conception est appelée vitalisme et la deuxième mécanisme.
Le vitalisme repose donc sur l'idée qu'un corps vivant n'est pas qu'un agrégat d'éléments qu'une analyse physico-chimique pourrait séparer. Tout se passe comme si la vie dans le vivant dépassait toujours l'analyse matérielle. Ainsi, il existe pour le vitalisme une force - dont le nom peut changer selon les auteurs - qui met en mouvement le corps vivant tout en étant la cause de son développement. Barthez, médecin de l'école de Montpellier écrivait : « j'appelle principe vital de l'homme la cause qui produit tous les phénomènes de la vie dans le corps humain, (...) c'est la cause des fonctions de la vie. Le nom de cette cause est assez indifférent et peut être pris à volonté ».
Le premier philosophe vitaliste est sans doute Aristote (on remarque à ce propos qu'il existe un lien très étroit entre vitalisme et finalisme). Le vivant selon Aristote, est avant tout un mobile (il serait possible de trouver un contre-exemple pour invalider cette thèse ; les plantes sont immobiles, et pourtant bel et bien vivantes. Mais le mouvement n'est pas selon Aristote, réductible à la locomotion, cette dernière n'est qu'une forme de mouvement, rangée aux cotés de l'accroissement, de la corruption et d'une manière générale de toute modification d'état. Tout changement pour Aristote, est un mouvement. Point de vie sans changement, point de vie sans mouvement). Cependant, la vie n'est pas à proprement parler le changement lui-même, ce dernier n'est que la manifestation de la vie. La vie est le principe du mouvement, c'est-à-dire une force. Ainsi, ce qui caractérise le vivant, c'est d'être détenteur d'une force qui est la vie, c'est sa capacité à se mouvoir, à s'accroître et à dépérir, à assimiler des éléments du monde extérieur pour continuer à exister. Cette force vitale peut prendre plusieurs noms chez Aristote : ce dernier la désigne par « âme », « forme », ou plus simplement, « vie » (...)
[...] Un biologiste contemporain, André Pichot s'en inspirera également pour ses travaux. Selon cet auteur, il faut comprendre le vivant comme un individu, c'est-à-dire comme le résultat d'une individuation. Le processus dʼindividuation sʼaccomplit dans un mouvement par lequel le vivant se distingue de son environnement (et transforme ainsi cet environnement en milieu).Lʼintérêt de la pensée de Pichot, est qu'elle ne se réduit pas à définir l'être vivant comme une totalité possédant une organisation interne (comme le faisait Kant, par exemple). Selon Pichot, l'être vivant nʼest pas une entité définie de 3 Goldstein, Structure de lʼorganisme, p.42 manière absolue par sa cohérence interne, au sein d'un environnement défini de manière tout aussi absolue L'être vivant est à la fois séparé de - et relié à - son milieu; mais ce n'est pas parce que l'être vivant est une entité qu'il se distingue de son milieu, ç'est parce qu'il se distingue de son milieu qu'il est une entité. [...]
[...] Mais le mouvement n'est pas selon Aristote, réductible à la locomotion, cette dernière n'est qu'une forme de mouvement, rangée aux cotés de l'accroissement, de la corruption et d'une manière générale de toute modification d'état. Tout changement pour Aristote, est un mouvement. Point de vie sans changement, point de vie sans mouvement). Cependant, la vie n'est pas à proprement parler le changement lui-même, ce dernier n'est que la manifestation de la vie. La vie est le principe du mouvement, c'est-à-dire une force. [...]
[...] De même, Canguilhem utilisera ces découvertes pour établir une distinction entre le normal et le pathologique. L'organisme est constamment à la recherche d'un équilibre avec son milieu. Cet équilibre s'exprimera par une capacité d'action supérieure (dans le cas de la normalité) ou inférieure (dans le cas de la pathologie). Ainsi, l'état pathologique ne se définit pas par l'absence de normes, mais par l'existence de normes restreignant les possibilités d'action de l'individu. L'état pathologique se caractérise donc non comme anormalité, mais restriction du milieu et des capacités d'action. ! [...]
[...] (On remarquera le caractère aristotélicien du terme tendance L'accomplissement des fonctions par les voies les plus simples : en cas de lésions, l'organisme tente de réussir ses actions par les voies les plus simples, c'est-à-dire que l'économie des moyens est un principe constitutif de tout organisme. La réorganisation du milieu en fonction des lésions subies : d'une manière générale, l'organisme évite les troubles qui pourraient être à l'origine de comportements catastrophique Il ne pourra bien souvent éviter ces troubles qu'en réduisant son milieu. L'organisme contribue lui-même à créer le milieu qui lui sera adéquat. Un organisme déficient ne parvient à un comportement ordonné que par une réduction de son milieu en proportion de son déficit 3. [...]
[...] Il faut y voir au contraire l'expression d'une confiance du vivant dans la vie. Il faut donc concevoir le vitalisme comme l'expression d'une exigence de la vie elle-même: comme si les hommes, prenant conscience du caractère 1 irréductible de la vie, développaient une biologie vitaliste en réaction aux analyses matérialistes Barthez, Nouveaux éléments de la science de lʼhomme ! Cependant, le vitalisme qui a traversé l'histoire de la philosophie a très souvent été contesté. On reproche au vitalisme ses relents de mysticisme et ainsi de masquer une pensée théologique. [...]
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