Commentaire littéraire de Ariettes oubliées I de Verlaine (Romances sans paroles), 3 pages
C'est la première pièce du recueil des Romances sans paroles ; Verlaine lui a retiré son premier titre tel qu'il figurait à sa parution en revue en 1872, en ayant fait le titre de l'ensemble du recueil poétique. L'épigraphe est tirée d'une comédie de Favart parue en 1756, Ninette à la cour ou le caprice amoureux ? auteur que Rimbaud appréciait ; le voici : « Le vent dans la plaine / Suspend son haleine ». Ce distique ne fait pas partie du poème, et pourtant Verlaine ne l'a pas maintenu par hasard : il montre un paysage au moment où le vent tombe, personnifiant celui-ci au plan lexical (haleine), non sans aider le lecteur à orienter son intelligence du texte, à le préciser.
[...] Un examen attentif du poème dans ses détails montrerait que chaque mot qui compte (substantif, adjectif ou déterminant, verbe) retentit sur son voisin, sur un terme plus éloigné, et réciproquement, ce qui va dans le sens de l'unité du poème. Bref, tout contribue, en pratique, à faire de l'expérience poétique que relate ici Verlaine le chant mêlé de l'âme humaine et du monde. L'âme est un paysage ; tout paysage est un état d'âme, c'est ainsi qu'on chante l'unité de la nature où tout se tient. L'expression poétique y participe d'une façon profonde et personnelle. [...]
[...] Dans une première approche, le lecteur se représente une plaine boisée et la brise qui la traverse. S'agit-il d'un cadre spatio-temporel, comme l'oeil le perçoit dans la nature environnante ou comme le peintre réaliste le figure sur sa toile ? On pourrait le penser à travers le lexique utilisé (champ lexical d'un bois) : les « bois », les « brises », les « ramures », « l'herbe », « l'eau », les « cailloux », et pour ce qui est du moment qu'évoque le poète, « ce tiède soir ». [...]
[...] Le poème est comme un chant qui nous fait part d'une expérience qu'on sait poétique, ce qui explique le choix que fait Verlaine du titre de la première séquence des Romances sans paroles : Ariettes oubliées. On se dit : c'est un chant léger, non sans tristesse, chant de l'âme du poète et des réalités avec lesquelles il est en symbiose : la femme aimée mais aussi tout un paysage qu'il ne cesse d'évoquer et d'intérioriser du début à la fin. [...]
[...] EXPLICATION DE TEXTE (commentaire) PAUL VERLAINE Romances sans paroles Ariettes oubliées I Le vent dans la plaine Suspend son haleine. FAVART. C'est l'extase langoureuse, C'est la fatigue amoureuse, C'est tous les frissons des bois, Parmi l'étreinte des brises, C'est, vers les ramures grises, Le chœur des petites voix. O le frêle et frais murmure Cela gazouille et susurre, Cela ressemble au cri doux Que l'herbe agitée expire Tu dirais, sous l'eau qui vire, Le roulis sourd des cailloux. Cette âme qui se lamente En cette plainte dormante C'est la nôtre, n'est-ce pas ? [...]
[...] Le poème, ne l'oublions pas, est une « ariette oubliée », une chanson légère, douce, mélancolique, ce qui impose qu'on soit attentif aux sonorités et au rythme. Si son unité résulte d'abord de la présence des mêmes champs lexicaux : celui de l'amour dans son intensité et sa tristesse, celui du vent faisant chanter les ramures des arbres, celui du souffle (et du dernier souffle), celui de l'âme à travers toute la série lexicale de « l'extase », du « choeur », de la douceur du cri, du lamento et de la plainte, de l'humble antienne, les effets musicaux sont constants avec la multiplication des allitérations et des assonances, la richesse des rimes, la variété des accents qui changent d'un vers à l'autre en dehors de celui de la rime. [...]
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