Commentaire de l'incipit de Thérèse Raquin de Zola, chapitre I. « Au bout de la rue Guénégaud... » à « ? s'arrêtent devant leurs étalages ». 3 pages
Zola est le chef de file du naturalisme et, à ce titre, son rapport aux sujets qu'il aborde dans ses romans le classe parmi les tenants du réalisme, après Balzac, mais aussi avec Flaubert et Maupassant. Son époque le passionne, ainsi que celle de son adolescence, de sa jeunesse, le Second Empire, et c'est vers la société de son temps qu'il porte un regard à la fois inquiet et critique : derrière la réussite brillante des classes privilégiées et le progrès, il constate avec horreur de graves misères et des injustices profondes. Enthousiaste des sciences nouvelles (ainsi de la médecine expérimentale de Claude Bernard), il est convaincu que l'homme est soumis à son hérédité, au milieu dans lequel il grandit, évolue. Ces éléments doivent être présents à l'esprit quand on ouvre Thérèse Raquin, un de ses tout premiers romans écrit en 1827.
[...] Les personnages eux-mêmes sont présentés selon une typologie qui ne les individualise pas : ce sont des bouquinistes, des marchands de jouets d'enfant, des cartonniers, des boutiquiers qui apparaissent sur la toile de Zola, jamais des personnes très précises. Le passage, dit le romancier, « est traversé par un public de gens affairés . : apprentis, ouvrières, des hommes et des femmes portant des paquets, des vieillards, des bandes d'enfants ». Ils sont montrés avec des détails d'ordre pictural : tablier de travail, ouvrage, paquets. [...]
[...] Chaque paragraphe de l'extrait contient l'un ou l'autre mot de ce même champ lexical. Ce qui est montré, dit dans l'ouverture, se retrouvera pour une bonne part dans l'épilogue, au moment de la mort conjointe des époux meurtriers, à travers les mêmes mots : la nuit, le froid, la mort, le sentiment de l'étrange, l'horreur. La même couleur (pauvre, pâle reflet de lumière) est caractérisée par le même mot à finale péjorative : « jaunâtre ». Quant aux « reflets verdâtres », ils préparent la scène de la morgue et celle de la nuit de noces. [...]
[...] Que tout s'explique par le mécanisme de son oeil, le travail de celui-ci qui transforme, agrandit, ment, pour mieux faire sentir et faire réfléchir. Il écrivait ces propos très éclairants sur son art : « J'ai l'hypertrophie du détail vrai, le saut dans les étoiles sur le tremplin de l'observation exacte. [...]
[...] On en connaît la longueur et la largeur, le pavement ainsi que le vitrage « noir de crasse ». Il est montré en plein été au milieu du jour ou bien en hiver au matin et le vitrage est tellement sale qu'il ne tombe des vitres qu'une clarté blanchâtre ou « de la nuit ». Le narrateur privilégie dans sa description non seulement les objets et leurs formes, mais les couleurs (ou leur absence), les odeurs ; il n'est pas jusqu'à l'air ambiant qu'on ne nous fasse respirer jusqu'au malaise : « suant une humidité âcre » ; « des souffles froids de caveau ». [...]
[...] Le passage du Pont-Neuf qui fait l'objet de la première description nous est présenté par le narrateur qui sert de guide au lecteur. A part quelques éléments dont on verra l'importance plus loin, on semble effectuer une visite accompagnée dans un lieu très singulier du Paris de l'époque. Le cadre spatio-temporel est disposé sous nos yeux comme l'a fait Balzac quand il fait entrer dans Saumur ou Guérande : ce sont « choses vues », d'un tableau d'ensemble aux détails les plus minces, selon une progressivité qui épouse une sorte de promenade racontée au présent de narration (mais en rien touristique, elle). [...]
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