Qu'est-ce qu'une ?uvre d'art?
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[...] Dans le premier, ce qui importe c'est la pin-up en tant qu'elle existe, dans le second, c'est la photo comme image en deux dimensions. Dans le premier cas, la photo donne à voir un aspect du réel qu'on juge intéressant, elle est un média. De sorte que cette photo doit sa valeur à la réalité qu'elle donne à voir. Dans le second cas, la photo est tout ce qui est voir, elle ne donne pas à voir autre chose qu'elle-même. Elle ne doit à rien d'autre qu'à elle-même sa valeur, sa beauté. [...]
[...] Elles sont au-delà d'elles et en tout point opposé à elles, c'est tout ce qu'on sait. Sacralisante en cela que lorsqu'on tâche de dire en quoi elles consistent et surtout d'où elles viennent, on propose une sorte de déesse et on fait du génie l'élu de la nature. Du reste, expliquer la création artistique par le génie se heurte à une observation toute simple : tous les artistes, y compris ceux qu'on dit géniaux, ne font pas toujours de bonnes choses. [...]
[...] Ce qui n'est pas le cas du beau. Mais le bon et l'agréable se distinguent néanmoins : l'agréable est une satisfaction dite pathologique : elle est liée à notre corps, à nos appétits, nos penchants, notre sensibilité. Ce qui est agréable est ce qui nous met en appétit, nous excite, réveille notre désir, autant de chose liées à notre corps, à ses besoins autant qu'à ses désirs. A noter : l'agréable est lié à une représentation de quelque chose, non à sa consommation. [...]
[...] En définitive, le beau n'explique pas les effets qu'on lui prête volontiers. Ce qui signifie que vouloir comme nous le pensions identifier l'œuvre d'art par les effets qu'elle provoque, effet que nous attribuions à sa beauté, n'est pas possible. Que les œuvres d'art aient sur nous des effets n'implique pas qu'elles soient belles puisque la beauté des œuvres n'est pas la seule cause possible de ces effets. Pire encore : les œuvres qui font les effets les plus violents ne sont sans doute pas loin de n'être pas d'art : on peut discuter les qualités esthétiques de plus d'un roman à l'eau de rose, d'un film mélodramatique, d'une chanson d'un été, d'une photo de pin-up, d'un Christ en croix, autant d'objets pourtant capables des plus grands effets. [...]
[...] Pensons maintenant au travail du peintre de portrait ; il est clair qu'il ne peut avoir le projet de toutes les couleurs qu'il emploiera à l'oeuvre qu'il commence ; l'idée lui vient à mesure qu'il fait ; il serait même rigoureux de dire que l'idée lui vient ensuite, comme au spectateur, et qu'il est spectateur aussi de son oeuvre en train de naître. Et c'est là le propre de l'artiste. Il faut que le génie ait la grâce de nature, et s'étonne lui-même. Un beau vers n'est pas d'abord en projet, et ensuite fait ; mais il se montre beau au poète ; et la belle statue se montre belle au sculpteur à mesure qu'il la fait ; et le portrait naît sous le pinceau. [...]
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