Partant du constat de l'affaiblissement du civisme et des liens politiques qui provoque un doute sur la capacité des nations démocratiques modernes à assurer la pérennité du lien social, Dominique Schnapper se propose d'étudier dans La communauté des citoyens (1994) les idées dans leurs relations avec les réalités sociales, en s'appuyant donc à la fois sur les théories des grands philosophes classiques et modernes et sur un certain nombre d'expériences nationales. La communauté des citoyens ne cherche pas célébrer ou à dénoncer l'idée nationale, ni à la justifier. En proposant une théorie de la nation fondée sur le point de vue de la sociologie et de la connaissance empirique des sociétés, faisant place à la fois aux idées sociales, aux valeurs et aux institutions, l'ouvrage tente d'échapper aux discours idéologiques traditionnels que suscitent nation et nationalismes
[...] L'idée même de nation comme lieu abstrait de l'unité politique, légitimée par la communauté des citoyens, est intimement liée à l'individualisme. Ce qui fonde le principe - en même temps que les valeurs - de la nation démocratique, c'est l'opposition entre l'universalisme du citoyen et les spécificités du citoyen et celles de l'homme privé, membre de la société civile. L'existence de la communauté de citoyens, à la fois comme principe de fonctionnement et comme idéal commun, légitime les règles selon lesquelles les gouvernants accèdent au pouvoir, contribuent à répartir entre les individus et les groupes les biens marchands et immatériels, règlent les conflits suscités par cette répartition et affirment l'indépendance et la volonté de la nation parmi les autres unités politiques? [...]
[...] Schnapper (Dominique), La Communauté des Citoyens. Sur l'Idée Moderne de Nation Commentaire et analyse Dominique Schnapper est professeur de sociologie à l'École des Hautes Études en Sciences Sociales. Auteur de La France de l'intégration, sociologie de la nation en 1990 (1991) et L'Europe des immigrés, essai sur les politiques d'immigration (1992), deux ouvrages dans lesquels le thème de la nation est très présent, elle a également participé à la rédaction d'ouvrages collectifs notamment Musulmans en Europe (1992) ou Six manières d'être Européen (1990). [...]
[...] Les nations démocratiques se distinguent les unes par rapport aux autres par les manières dont un projet politique, dans sa double dimension d'idées (les valeurs du libéralisme anglais, de l'universalisme rationaliste abstrait français, du pluralisme suisse) et d'institutions des plus concrètes aux plus abstraites (pratiques du parlementarisme, fores de l'organisation de l'État et de a fonction publique, droit de la nationalité, emblèmes nationaux, l'École, enseignement de l'histoire, marqueurs identitaires) s'efforce de dépasser les différences objectives entre les populations et de créer une communauté de citoyens, source de la légitimité de la nation-unité politique (p.57). On a toujours été tenté de résoudre la tension entre l'universalisme de la nation démocratique et les particularismes nationaux et ethniques par des formes de "dépassement de la nation". L'ordre politique fondé sur la souveraineté des nations-unités politiques est remis en cause. [...]
[...] Toute la réflexion du XIXème siècle reste marquée par le combat politique et idéologique entre la "Grande Nation" qui invoquait le nouveau principe de légitimité, et les "anciennes nations" ou empires issus d'une histoire dynastique et religieuse. Mais le nouveau principe lui-même semblait admettre deux interprétations. En se référant au même principe révolutionnaire, une double idéologie de la nation moderne s'est élaborée. La conception française invoquait la volonté des hommes, la vision organiciste allemande, leur appartenance ethnique et linguistique. Cette tradition intellectuelle se perpétue d'autant plus qu'elle permet toujours de rendre compte de certaines réalités concrètes. [...]
[...] L'auteur s'écarte rarement du thème qu'elle s'est fixé et aborde plus succinctement par exemple la question du communautarisme ou de l'intégration des étrangers dans la nation en tant que citoyen. L'optique de l'ouvrage demeure celui d'une modernisation de l'idée de nation au sens où les concepts doivent aujourd'hui être éclairés au vu de la société actuelle sans pour autant répudier les réflexions des grands philosophes, dont le prolongement de la pensée sur la nation demeure bien souvent plus que jamais d'une importance extrême pour la compréhension de notre monde. [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture