Sartre propose ici une analyse de la morale lorsqu'elle est agissante : il s'agit de caractériser progressivement la manière dont elle peut vaincre les obstacles à son action, et ce que révèle sa réussite. Dans la mesure où l'action est entreprise relativement au monde, on constate qu'elle met en jeu à la fois l'initiative humaine et la présence objective du réel. La liberté s'effectue donc dans un entre-deux, qui est le « probable ».
Or, ce dernier n'apparaît que grâce à l'action libre, en l'absence de laquelle il ne peut se manifester dans le monde.
[...] Si cette relation entre décision et réussite n'est pas acceptable, c'est parce que viennent s'ajouter, au cours de la réalisation, des éléments extérieurs. L'action s'effectue relativement à l'extériorité Puisqu'elle n'est pas nécessaire, la relation entre décision et réussite n'est que possible: elle peut être ou ne pas être, ce qui signifie simplement que l'action décidée peut aboutit ou non. Cette possibilité n'est pas relative aux capacités de l'agent. Il va de soi que si un individu décide de s'envoler par ses seuls moyens physiques, il ne réussira pas: c'est parce que son projet n'est pas réaliste ou participe d'une rêverie. [...]
[...] Si ces obstacles avaient été autres, peut- être aurait-on échoué. La réussite provient donc à la fois de la décision et de l'inventivité qui a surmonté les obstacles, et de la nature des obstacles à vaincre, qui auraient pu être plus importants. Elle combine donc le hasard et l'inventivité L'inventivité appartient au sujet agissant, mais les obstacles ne dépendant pas de lui: je ne peux exercer de pouvoir sur les sujets de l'examen, pas plus que sur le courant de la rivière, ou le surgissement d'un orage, qui font partie de systèmes de causalité sans doute analysables, mais particulièrement complexes, au point de ne pas être maîtrisables au moment de l'action. [...]
[...] Mais ce qui intéresse Sartre ici, c'est de parvenir à indiquer les apports de la liberté. Celle-ci concerne évidemment l'homme, mais on constate qu'elle modifie aussi le monde et les catégories qualifiant ses événements. La nature est en effet soumise au déterminisme, et le probable ne peut y être que la conséquence de l'action humaine, pour qualifier le domaine des événements qui ne sont, ni totalement aléatoires, ni déterminés, mais qui participent d'une façon variable des deux secteurs. En analysant la liberté lorsqu'elle se réalise dans l'action efficace, Sartre échappe à toute tentation métaphysique. [...]
[...] Mais son approche, puisqu'elle met en cause des actes en relation aussi bien avec les choses qu'avec d'autres hommes, aboutit nécessairement à considérer les effets de la liberté sur la façon dont le monde se manifeste. Il montre aussi que l'action libre, parce qu'elle est relative à ce qu'il nomme l'extériorité introduit le probable dans le monde lui-même, qui se trouve ainsi augmenté d'une façon d'être qui ne peut s'affirmer en l'absence de l'homme et de sa liberté. [...]
[...] L'action humaine n'est complémentairement réelle que si l'on conçoit une résistance du monde extérieur telle que l'invention humaine ne puisse en venir à bout. On doit alors admettre que toute entreprise risque toujours d'échouer: tel est le prix (ou la condition) de la liberté, puisque, dès que l'on imaginerait qu'une action devrait nécessairement réussir, on nierait la liberté en insérant l'action dans une pensée déterministe. II- Que révèle la réussite sur les conditions d'exercice de la liberté? La réussite dépend de deux ensembles Il est fréquent que l'on se vante d'avoir réussi telle ou telle chose, que ce soit un examen ou une belle prise à la pêche, et tout se passe comme si cette réussite ne dépendait que su savoir, de l'habileté ou de la maîtrise que l'on a montrées. [...]
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