Rassemblant des textes écrits entre 1954 et 1956 parus dans diverses revues, ainsi qu'une analyse, un « démontage sémiologique » du mythe, les Mythologies de Roland Barthes constituent un ouvrage aussi essentiel que jubilatoire. En effet, au fil d'exemples a priori aussi divers qu'anodins et tirés du quotidien de l'époque où il écrit, l'auteur dresse un portrait à l'acide de la société française tout en décryptant cette dernière, mettant à bas les artifices dont elle est parée –les signes, les mythes, les représentations collectives. Ce faisant, il permet au lecteur de voir sous un jour nouveau le monde dans lequel il évolue ; ledit lecteur prend alors conscience de la mystification qu'il subit avec un mélange d'effroi et de jubilation, semblable à l'homme qui sort de la caverne chez Platon. Effroi parce qu'il découvre quelle dupe il a été, mais aussi jubilation puisque, avec les écrits de Roland Barthes, il enlève le bandeau qu'il a sur les yeux et entraine dorénavant son regard neuf. Ainsi, à l'aide de tous les exemples qu'il développe comme à travers l'analyse profonde qu'il en fait en deuxième partie, l'auteur s'attache à montrer combien la société est prisonnière de mythes aussi grossiers que dangereux, issus pour la plupart de la « culture petite-bourgeoise » dominante et hostile aux changements structurels qui pourraient intervenir. Il dénonce ainsi « le divorce accablant de la connaissance et de la mythologie », puisque les représentations collectives ne suivent pas –et rien n'est fait pour qu'elles la suivent– l'évolution de la science et du savoir. Surtout, la majeure partie de ces textes, pourtant écrits en réaction à l'actualité des années 1950, est plus que jamais pertinente au jour d'aujourd'hui. On peut même penser que la survivance de mythes, tout autant que la déformation des concepts stigmatisée par Barthes un demi-siècle plus tôt, est plus vive que jamais de nos jours. Dès lors, lire Roland Barthes n'a rien d'anodin, et son œuvre parait essentiel si l'on désire s'élever un tant soit peut au dessus de la forêt de l'obscurantisme et de la manipulation.
[...] Le sport, spectacle et tragédie Dans les Mythologies, Roland Barthes aborde par deux fois seulement le thème du sport, mais il le fait en profondeur, à travers les exemples des matchs de catch et du Tour de France. S'il est d'ordinaire cinglant dans sa critique de la société petite-bourgeoise, Barthes aborde ce thème-ci avec plus d'indulgence, voire avec une forme d'intérêt proche de la fascination. Il semble ainsi montrer plus de tolérance à l'égard de ce qui apparaît comme de la culture dite “populaire Dans sa bouche, le combat de catch, tout comme l'étape du tour de France, est décrite comme une tragédie moderne, avec sa part symbolique plus ou moins assumée et consciente, à l'inverse du reste de la société qui occulte son aspect mythique. [...]
[...] Il illustre cette tendance avec de nombreux exemples. Ainsi, à travers les chapitres le pauvre et le prolétaire un ouvrier sympathique ou encore l'usager de la grève se dessine l'idée selon laquelle la classe ouvrière est sans cesse niée, refoulée ou divisée par ceux qu'elle menace, à savoir les tenants de la société. C'est pourquoi le bon ouvrier, à savoir Marlon Brando dans Sur les quais, est celui qui sait accepter, au final, l'ordre patronal, et qui rentre dans le rang. [...]
[...] Il dénonce ainsi le divorce accablant de la connaissance et de la mythologie puisque les représentations collectives ne suivent pas rien n'est fait pour qu'elles la suivent– l'évolution de la science et du savoir. Surtout, la majeure partie de ces textes, pourtant écrits en réaction à l'actualité des années 1950, est plus que jamais pertinente au jour d'aujourd'hui. On peut même penser que la survivance de mythes, tout autant que la déformation des concepts stigmatisée par Barthes un demi-siècle plus tôt, est plus vive que jamais de nos jours. [...]
[...] A travers le catch, c'est le réel qui est mimé, une vision manichéenne et simpliste du réel, une vision mythique en quelque sorte. La salle où se déroule le combat devient alors un lieu de communion collective autour des symboles de la douleur, de la défaite et surtout, peut être, de la Justice. Ainsi, si dans le catch aux Etats-Unis le méchant est toujours communiste, en France il s'agit plutôt de constituer l'image d'un salaud parfait fourbe et mauvais, qui ne respecte les règles que quand elles lui sont favorables, et qui va être châtié comme il le mérite par le bon catcheur. [...]
[...] Lorsqu'il aborde le thème du sport, nouveau jeu de Rome en quelque sorte, où les signes sur-dominent plus ouvertement qu'ailleurs il est vrai, Roland Barthes ne fait qu'expliciter une réalité déjà plus ou moins perçue par le commun des mortels. Au contraire, lorsqu'il évoque d'autres sujets (la politique, l'art bourgeois, la consommation il met à jour une vérité beaucoup plus profonde, discrète et ignorée. Le jeu politique : dissimulation, division, consommation Pour Roland Barthes, la société petite-bourgeoise s'oppose et nie tout ce qui conteste ses lois structurelles. [...]
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