La démarche de Sartre dans L'imaginaire est de décrire la vie imaginaire de la conscience ainsi que les mécanismes liés à l'image, mentale ou matérielle. La question de la représentation, par le biais d'un questionnement sur l'image, est au coeur de cette interrogation. En interrogeant le statut de l'image mentale, mais aussi du portrait, de l'imitation, du rêve, de l'hallucination, de l'oeuvre d'art, Sartre se penche à chaque fois sur divers mécanismes de représentations. Nous analyserons ces exemples afin d'en faire ressortir les différences et les points communs.
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[...] La représentation mentale n'obéit pas au principe d'individuation comme le ferait la perception. Nous pouvons voir les grains de la peau de Pierre en vrai, mais pas distinguer un sourire précis dès lors que nous l'imaginons. Sartre parlera de la "massivité des objets réels" ou de "l'amorce d'une infinité d'images" qu'il opposera à la "pauvreté essentielle" des objets imaginaires (Troisième partie, C'est qu'au contraire de la perception, qui est particulière, la représentation peut être archétypale. Qu'elle soit mentale (lorsque je pense à Pierre, c'est toujours Pierre en général, Pierre "en synthèse") ou physique (le croquis par exemple) Comme nous l'avons souligné, perception et représentation sont deux attitudes différentes de la conscience, voire deux consciences différentes. [...]
[...] Mais que l'analogon qui conduit la conscience à l'objet visé soit un analogon mental ou matériel, il obéit aux mêmes règles : complémentaire de l'intentionnalité si chère à la phénoménologie, l'analogon s'ajoute à cette intentionnalité pour permettre à une conscience de s'objectiver en une représentation. Née d'une rencontre de l'intentionnalité et d'un analogon la représentation est alors moins une synthèse entre un sujet et un objet qu'une synthèse entre une affectivité et un savoir, la rencontre au sein d'une même image de différentes manières qu'a la conscience de s'objectiver. C'est dire qu'au final, la représentation n'est rien d'autre qu'une conscience qui doit se faire conscience de pour exister. [...]
[...] Mais il ne faudrait pas confondre la représentation avec le signe: "le signe au contraire ne donne pas son objet". Le signe n'est pas une représentation. Son seul point commun avec la représentation-image est sa visée d'un objet à travers un autre objet mais il se "borne à diriger la conscience sur certains objets qui demeurent absents" (Seconde partie, IV). Si nous soulignons la différence entre la représentation et le signe, c'est pour bien mettre en valeur la différence spécifique de la représentation, c'est-à-dire le rôle particulier de l'analogon qui " remplit la conscience à la place d'un autre objet". [...]
[...] Nous apprenons ainsi que la matière de la représentation peut être d'une pauvreté essentielle sans que cela nuise au rôle représentatif. La représentation d'un même objet peut être alors double, à la fois représentation d'un objet sensible (le coureur cycliste schématiquement représenté) ou représentation de l'Idée de coureur. Dans ce cas une même représentation a renvoyé à deux objets radicalement différents (une idée abstraite ou un objet concret) : dès lors la pauvreté essentielle d'une représentation schématique nous fait apparaître le rôle de l'intention. [...]
[...] Perception, représentation matérielle et représentation mentale nous semblent les grands thèmes qui permettent de mettre en valeur la spécificité de la pensée sartrienne. En effet la représentation est à la fois proche de la perception et très distincte: peut-on aller jusqu'à dire que la perception est une sorte de représentation ?que l'on se représente une image de la même manière que notre perception nous présente un objet ? Un tel questionnement nous permettra plus largement de nous interroger sur le rapport entre réalité (l'objet) et irréalité (l'image). [...]
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