La réflexion de Pierre Manent est à la fois saisissante et passionnante car elle est en prise avec l'actualité, mais elle est aussi très déstabilisante par sa capacité à remettre en cause nombre de nos idées acquises ; autant de Vérités immuables qui s'écroulent ici soudainement. Conscient de l'atteinte qu'il fait à nos valeurs et nos idées tant partagées, il semble que Pierre Manent opte parfois pour un ton délibérément exagéré, presque provocateur, peut-être pour accentuer l'effet déroutant de sa réflexion.
Il est donc important de se concentrer sur l'essentiel, la substance des idées proposées par l'auteur, se défendant de notre penchant naturel qui peut consister à être choqué de certains propos et des positions prises par l'auteur pour mieux saisir la portée, les raisons de telles propositions et en mesurer le degré de possible vérité.
[...] Pourtant, la vraie question est de savoir en quoi cette candidature est souhaitable, indépendamment des règles internes de la communauté. La réponse doit venir d'un débat, d'une délibération civique, et de la forme que les Européens veulent donner à l'Europe. Si de tels honnêtes débats avaient lieu, ils éclaireraient enfin un enjeu fondamental du débat qui est celui de la religion : la Turquie étant à majorité musulmane, c'est sans doute une raison pour laquelle les Européens s'opposeraient à son adhésion. L'exemple de la Turquie illustre la difficulté de parler de religion pour régler un problème politique. [...]
[...] Pour revenir enfin sur la question de la peine mort, il faut dire que la réflexion de Pierre Manent déstabilise parce qu'elle offre une vision tout à fait inhabituelle sur ce sujet. Laissant de côté la question des droits de l'homme, il donne sens à la peine de mort dans les organisations politiques qui veulent préserver le rôle d'un gouvernement imposant l'ordre dans la société. Ainsi, on voit bien cette opposition dans l'exemple si récent du procès de Moussaoui : un gouvernement américain pour qui la peine de mort devait prendre le sens symbolique de la punition du criminel, affirmant l'autorité d'un Etat défenseur de ses citoyens. [...]
[...] Sans être une organisation religieuse, l'Union européenne, en tant que communauté politique, doit se construire en assumant la particularité des ses valeurs chrétiennes . Critique Le thème de la communauté des nations européennes est au cœur de la réflexion de Pierre Manent. L'heure est certes à une réflexion sur le sens de l'Europe, car le non au référendum du 29 Mai 2005 et le non hollandais nous ont clairement appris que l'Europe pose problème à une majorité d'Européens. Sans doute beaucoup d'entre eux ont peur d'aller plus loin dans l'intégration car ils ne savent pas quoi attendre et espérer d'une telle ambition. [...]
[...] Absence donc de gouvernement représentatif, qui plus est incapable de gouverner et d'instituer les réformes nécessaires ; et un système administratif de décision au niveau européen : nos nouveaux instruments politiques entravent donc la capacité des peuples à se gouverner eux-mêmes ; les actions ne sont plus le fruit de l'autonomie des peuples mais de l'application de règles de Droit communes. Au nom des valeurs démocratiques, acquises et inscrites dans ce Droit, on a aboli l'essence même de la démocratie qui repose sur la capacité des peuples à décider par eux-mêmes. Ce despotisme éclairé est proche du fondamentalisme religieux, les droits de l'homme étant devenus la règle universelle à laquelle il est inconcevable de déroger. Un exemple flagrant de cette incapacité d'action politique dont souffre l'Europe est la question Turque. [...]
[...] Pour Pierre Manent, le rapport à la peine de mort dans les nations européennes symbolise cette destitution moderne du rôle de l'Etat. Alors qu'aux Etats-Unis, la peine de mort est accordée à l'Etat pour faire régner l'ordre (un droit de la loi de nature exclusivement accordé à l'Etat), cette pratique est rejetée en Europe ; là, conférer ce droit à un Etat signifierait entrer en contradiction avec le principe même de non recours à la force, or le pouvoir (l'Etat), au nom de l'égalité des conditions, ne peut bénéficier de pouvoirs supérieurs. [...]
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