Les "progrès" accomplis par l'humanité depuis les débuts de son histoire sont sans nul doute dus à l'existence de cette faculté qui lui est propre, la raison. La raison est en l'homme ce qui peu à peu s'est substitué à l'instinct, lui permettant de s'élever au-dessus de sa condition animale, d'inventer de nouveaux moyens de survivre, de créer son propre environnement. Elle est d'abord une faculté instrumentale permettant d'ajuster des moyens à des fins, et une faculté de connaître, grâce à laquelle on peut résoudre les questions que les hommes se posent concernant la nature et les lois du monde. La connaissance et la technique sont les premiers fruits de la raison: connaître c'est organiser le monde en fonction des lois de notre esprit, c'est poser entre les divers phénomènes des relations qui les rendent intelligibles comme par exemple la causalité. Entre la sensation purement subjective, nous renseignant sur l'état de notre corps et sur la manière dont il est affecté par le monde extérieur, et la connaissance objective, il y a tout le travail de la raison.
Si la raison se définit comme la faculté propre à l'homme de connaître et de juger, il convient plutôt de retenir la raison comme la faculté de discerner le vrai du faux, le bien du mal et de régler sa conduite. Autrement dit, une première idée apparaît ici : l'homme (rationnel) ne juge que ce qu'il ne voit, que ce qu'il n'observe, il ne juge pas les choses telles qu'elles le sont mais telles qu'il les perçoit. Sa raison se fonde sur des principes, des sentiments, des sensations, des pensées, construits sur l'expérience. L'expérience serait-il le meilleur instrument de la raison ? Qu'est ce que cela signifie ? c'est que la perception des choses est propre à chaque être, qu'elle n'est en aucune manière une vérité universelle. Donc, la perception des choses (et des êtres), la faculté de se comporter, de penser, d'agir renvoient alors à des critères subjectifs et non plus objectifs comme le laisse supposer la « raison ». Parler de raison subjective est alors tentant, parler de raison irrationnelle est à priori plus risqué.
[...] Mais ne peut-on en un sens s'en réjouir? II. Les limites de la colonisation Bien que la raison soit un gage indéniable d'efficacité, il n'est pas sûr que tout ce qui fait la richesse, la densité de l'existence humaine, et tout autant que la raison sa spécificité, soit rationnel ou raisonnable. On pensera bien sûr ici aux sentiments, à la création artistique voire à l'invention scientifique. Personne ne saurait défendre l'idée que l'amour voire l'amitié sont le produit d'une décision rationnelle. [...]
[...] On doit donc tout soumettre à la raison pour être libre - ainsi, on n'est pas la pure victime de ses passions, de ses impulsions - mais en conservant toujours la possibilité de se détourner de ses injonctions et en puisant hors d'elle la force de l'écouter ou de la fuir. La soumission à la raison prend alors un autre sens. Il ne peut s'agir en aucune manière de subordonner la totalité du monde et de sa conduite à la raison si par là on entend l'éradication de tout ce qui n'est pas intrinsèquement rationnel ou raisonnable. [...]
[...] La raison, colonisatrice du réel ? Les "progrès" accomplis par l'humanité depuis les débuts de son histoire sont sans nul doute dus à l'existence de cette faculté qui lui est propre, la raison. La raison est en l'homme ce qui peu à peu s'est substitué à l'instinct, lui permettant de s'élever au-dessus de sa condition animale, d'inventer de nouveaux moyens de survivre, de créer son propre environnement. Elle est d'abord une faculté instrumentale permettant d'ajuster des moyens à des fins, et une faculté de connaître, grâce à laquelle on peut résoudre les questions que les hommes se posent concernant la nature et les lois du monde. [...]
[...] La morale épicurienne en est un bon exemple: par la raison je peux maximiser mes chances de bonheur, je peux jouir d'un plaisir qui est lui charnel». On peut toutefois se demander ce que serait un monde entièrement soumis aux lois de la raison. Dans le domaine politique, comme dans le domaine économique on a pu assister à des tentatives de rationalisation extrême, souvent au nom du bonheur pour tous. Planification de l'économie, rationalisation de la production, contrôle des individus, voire eugénisme sont les moyens rationnels par lesquels l'humanité tente d'accoucher d'une nouvelle phase de son histoire. [...]
[...] On voit donc ici le premier effet pervers de la raison sur le réel : la raison influence le réel, elle le modifie et donne de ce fait un premier paradigme à la supériorité de la raison. Illusoire ou réelle, la raison est modificateur de la réalité. L'homme voit les choses telles qu'il est. Sait-il pour autant qu'il est vraiment ? n'est- ce pas Sartre qui disait l'enfer, c'est les autres Si l'on s'en tient à ce raisonnement, l'être sait davantage sur lui par les autres que par soi-même. [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture