La portée épicurienne du chapitre 2 de L'utilitarisme (1863), John Stuart Mill

Résumé du document

Ce texte, extrait du traité éponyme de Stuart Mill sur l'utilitarisme se rattache à l'un des trois domaines étudiés par la philosophie épicurienne antique : celui de la morale. Tous les théoriciens de l'école utilitaire anglaise reconnaissent avoir trouvé leur inspiration et les fondements de leur théorie dans l'épicurisme d'Epicure lui-même ainsi que dans celui de Lucrèce.
Cet extrait traite de la notion de plaisir, en particulier du choix de ces plaisirs ainsi que des rapports entre l'individu et la collectivité lorsque s'exercent ces choix. En faisant de la notion de plaisir le point central de sa théorie sur l'utilitarisme, Stuart Mill adhère complètement au système épicurien. Cependant, plus de deux millénaires après Epicure, l'épicurisme subit des variations chez le philosophe et économiste britannique. Quelles sont-ellles? Sont-elles toujours en adéquation avec la philosophie d'Epicure et de Lucrèce? Quels sont les points qui restent inchangés?
Nous étudierons dans un premier temps la place faite à la sensation, puis la conciliation de mon plaisir avec celui d'autrui, enfin ce vers quoi tend le plaisir : l'ataraxie.

Extraits

[...] Certes, notre bonheur ne doit pas nuire à celui d'autrui, mais il ne doit pas pour autant être placé au second plan. Ils développent pourtant l'idée d'un pacte social dans lequel on peut percevoir de la philanthropie, mais il n'a en réalité qu'une valeur utile. Si un tel pacte existe, les intérêts de chacun sont garantis et celui qui aura par exemple pour projet de commettre un crime ne le fera pas puisque la crainte d'être retrouvé et puni le plongera dans le trouble, et il ne sera donc pas heureux. [...]

[...] En tant qu'économiste et théoricien du libéralisme, Mill ne peut exclure la notion de société de sa pensée. C'est en cela qu'il se différencie le plus de la pensée épicurienne primitive. En effet, même si Epicure voyait l'utilité d'un pacte social comme garant de la liberté et du respect de chacun, et même s'il apportait une grande importance au cercle de l'amitié, il préconisait de se retirer des affaires du monde, du cercle politique. Mill, quant à lui, opte pour une pensée qui relève du macrocosme puisqu'il ne dissocie jamais le plaisir de l'individu de celui de la collectivité. [...]

[...] Cet état est une fin en soi, il regroupe le calme de l'anima et la lumière de l'animus ; il est le vrai, le bien, le plaisir, la rencontre des sens et de l'intelligence ; et tous les mouvements passés, ceux de la raison dans les choix n'ont lieu qu'en vue du repos. Les anciens et Stuart Mill, parfois par des raisonnements postérieurs différents partent du même principe : celui de l'utilité qui a pour but de nous conduire à l'état final de l'ataraxie. La doctrine a subi bien des variations entre Epicure et Mill. Elle est passée par plusieurs chemins, a subi un grand essor au XVIIIème siècle mais de façon détournée car l'on avait plus foi en Dieu mais en l'humanité. [...]

[...] Dans la canonique d'Epicure, la sensation, la passion et la prénotion sont les critères de la vérité, et le plaisir est lui-même vérité. Chez Stuart Mill, lorsque l'on hésite entre plusieurs plaisirs, on fait appel à la fois à la sensation et à la prénotion. En effet, on s'adresse à des personnes qui ont fait l'expérience des plaisirs entre lesquels on hésite, expérience fondée sur leurs sensations face à ces plaisirs. Ce choix a toujours pour but de trouver le meilleur des plaisirs, c'est-à-dire le plus vertueux, celui du sage. [...]

[...] Mais dans ses fondements, malgré toutes les gloses qu'il y a eu chez Hobbes, Gassendi ou encore Spinoza, le but de l'Epicurisme reste le plaisir, qu'il fasse une place médiane ou finale à l'intelligence, qu'il soit d'abord celui de l'individu ou celui de la communauté. L'épicurisme est alors l'exemple même d'une doctrine antique qui trouve encore des adeptes, et qui la font évaluer dans des domaines plus vastes (économie, sociologie . ) pour qu'elle soit en adéquation avec les mondes contemporains. 1In L'utilitarisme, chapitre II. 2Jeremy Bentham, 1748-1832 : philosophe et économiste britannique, fondateur de l'école utilitaire. [...]