Point d'orgue de la pensée nietzschéenne, "La Volonté de Puissance", d'où sont extraites ces paroles, ouvrage peut-être le plus caractéristique de Friedrich Nietzsche, n'est pourtant pas un livre qui a été voulu comme tel par le philosophe, puisqu'il a été publié à titre posthume comme une compilation arbitraire de fragments de pensée et d'aphorismes du penseur par Heinrich Köselitz et Elisabeth Förster-Nietzsche.
L'ouvrage, que Nietzsche n'avait donc pas l'intention de publier, présente une unité illusoire et ne saurait en aucun cas se constituer en clé de voûte de la philosophie du penseur allemand. En abandonnant lui même le projet, on peut supposer que Nietzsche a renoncé à lui donner quelque forme systémique que ce soit. Même si au travers de ces aphorismes, Nietzsche cherche à poser la volonté de puissance comme « une solution à toutes les énigmes », celui-ci a toujours considéré les constructions de systèmes comme des volontés de tyranniser le réel au prix d'une falsification et d'une simplification. Dans une préface du livre abandonné, Nietzsche nous confirme son point de vue à ce sujet : « Je me méfie de tous les systèmes et des constructeurs de systèmes et les évite. Peut être découvrira-t-on derrière ce livre, le système que j'ai, quant à moi, évité. »
[...] On aurait pu souhaiter que Pierre Montebello évoque également l'iconoclasme nietzschéen en matière de concepts moraux, politiques et sociétaux. [...]
[...] La volonté de puissance est source première, cette origine de tout, qui fait toute chose parce que tout est volonté de puissance et non pas parce que la volonté de puissance cause toutes choses. Si l'on peut réduire (dans le sens où notre cheminement intellectuel nous conduit à un point originel) toute chose, dans sa phénoménalité comme dans son essence, à la volonté de puissance on peut aussi saisir toute chose à travers elle comme dérivation. La volonté de puissance ainsi, un caractère isomorphique. Il est dangereux d'ailleurs de parler de la volonté de puissance. Si l'on peut en parler de façon générale, elle est aussi multiple. [...]
[...] Si Nietzsche considère tantôt la volonté de puissance comme être et tantôt comme essence de l'être c'est qu'elle est les deux à la fois. C'est que Nietzsche, comme nous l'explique Pierre Montebello, va au-delà de ce genre d'opposition, jugée archaïque. Il refuse toute confusion avec l'être des métaphysiciens qui suppose en pendant phénoménal. Si la vérité d'une chose se trouve dans son apparence pour reprendre la terminologie nietzschéenne, c'est dans la mesure où elle donne ainsi à voir l'expression de sa structure interne. [...]
[...] Pour comprendre cela, il faut saisir la nature relationnelle de la volonté de puissance. Ainsi, il faut bien voir que le principe de volonté de puissance que décrit Montebello n'est que rapport de forces, lesquelles forces sont déterminées justement par la relation qu'elles ont avec les autres, et non pas isolément. Montebello en vient donc logiquement à parler d'une ontologie de la relation. En effet chaque phénomène chaque être est à la base fonction de deux forces qui se rencontrent chacune trouvant son essence dans la relation de résistance qui les oppose et les fait exister. [...]
[...] Cette unicité que n'ont pas les choses de par la dualité du principe de volonté de puissance, n'empêche toutefois pas que cette même volonté de puissance soit elle-même unitaire, bien que multiples dans ses manifestations. Pour autant le dynamisme dégagé par une compréhension relationnelle de la volonté de puissance ne doit pas nous faire perdre de vue que comme nous l'avons vu précédemment elle n'est pas causale elle n'est pas en devenir ni un procès en devenir: la volonté de puissance n'est pas devenue. [...]
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