Merleau-Ponty explique la formation progressive de la pensée objective, ou plutôt la déformation de la perception des objets vers une pensée objective de ceux-ci : il donne en exemple la vision d'une maison. La maison elle-même est « la maison vue de toutes parts ». En effet, je vois un objet (1) quand je peux entrer en lui et saisir le système des objets autour de lui (2), et de même, habitant ces autres objets, je saisis sous différents angles l'objet premier, central, de ma vision (3). « Ainsi chaque objet est le miroir de tous les autres » (p82). « Toute vision d'un objet par moi se réitère instantanément entre tous les objets du monde qui sont saisis comme coexistants parce que chacun d'eux est tout ce que les autres voient de lui » (p 83).
[...] Il n'est ni tangible ni visible dans la mesure où il est ce qui voit et ce qui touche 108). S'il existe un monde qui embrasse tous les objets et qui coexiste avec eux, c'est que mon corps les maintient en coexistence avec lui et fait battre en tous la pulsation de sa durée. Ainsi la permanence du corps propre conduit au corps non plus comme objet du monde, mais comme moyen de notre communication avec lui, au monde non plus comme somme d'objets déterminés, mais comme horizon latent de notre expérience, présent sans cesse, avant toute pensée déterminante. [...]
[...] Mais on ne peut pas se contenter de cette position de Descartes qui est insuffisante et présente même des contradictions. Là encore, la découverte du corps propre implique de nombreuses choses, et l'obscurité gagne le monde perçu tout entier 232). Vocabulaire Le corps propre est envisagé non point comme réalité purement biologique et matérielle (le corps-objet du physiologiste), mais comme centre existentiel et manière d'être-au-monde. Le corps propre est le troisième terme, toujours sous entendu, de la structure figure et fond, et toute figure se profile sur l'horizon de l'espace extérieur et de l'espace corporel 117). [...]
[...] C'est le corps qui comprend dans l'acquisition de l'habitude, c'est-à- dire qu'il éprouve l'accord entre ce que nous visons et ce qui est donné, entre l'intension et l'effectuation ; et le corps est notre ancrage dans le monde, il est médiateur du monde. Mais si le corps constitué est un espace expressif parmi tous les autres, il est à l'origine de tous les autres, le mouvement même de l'expression, ce qui se projette au dehors les significations en leur donnant un lieu, ce qui fait qu'elles se mettent à exister comme des choses. [...]
[...] Merleau-Ponty distingue le mouvement abstrait et le mouvement concret : le fond du mouvement concret est le monde donné, il a lieu dans l'être ou dans l'actuel : il adhère à un fond donné (il est centripète) ; le fond du mouvement abstrait est au contraire construit, il a lieu dans le possible ou dans le non-être : il déploie lui-même son fond (il est donc centrifuge). Le mouvement abstrait est rendu possible par la fonction de projection par laquelle le sujet du mouvement ménage devient lui un espace libre où ce qui n'existe pas naturellement puisse prendre un semblant d'existence. L'homme peut organiser le monde donné qui exprime au dehors l'activité interne du sujet. [...]
[...] En tant que j'ai un corps, je peux être réduit en objet sous le regard d'autrui et ne plus compter pour lui comme personne, ou bien, au contraire, je peux devenir son maître et le regarder à mon tour. Mais cette maîtrise est une impasse puisqu'au moment où ma valeur est reconnue par le désir d'autrui, autrui n'est plus la personne par qui je souhaitais être reconnu, c'est un être sans liberté. Dire que j'ai un corps est donc une manière de dire que je peux être vu comme un objet et que je cherche à être vu comme sujet, qu'autrui peut être mon maître ou mon esclave 195). [...]
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