Leibniz publia en 1703 les Nouveaux Essais sur l'entendement humain, œuvre philosophique dont l'argumentation émerge toujours d'un dialogue entre deux interlocuteurs, Philalèthe et Théophile. L'extrait dont il est question traite du concept de liberté et confronte la vision de chaque interlocuteur sur cette notion philosophique essentielle.
Derrière le masque de Théophile se cache sans grande surprise Leibniz, et à travers son outil dialoguant il cherche à énoncer de façon logique et rigoureuse les multiples sens de la notion de liberté, car, comme il débute sa longue réplique à Philalèthe, « le terme de liberté est fort ambigu » et mérite donc d'être clarifié.
Pour parvenir à cette fin, Leibniz propose un décorticage minutieux de la question de liberté, la divisant en un premier temps en liberté de droit, qui assigne des rôles juridiques et politiques à tout individu, et en liberté de fait, poursuivant la décomposition en dégageant du concept de liberté de fait une liberté de pouvoir répondant aux soucis les plus concrets, et une liberté de vouloir. Cette dernière présente une distinction conceptuelle finale, entre une liberté morale que tout homme doit tenter d'atteindre et la question du franc arbitre face à l'empire de la raison.
Ce texte ne nous permet-il pas mieux de comprendre les distinctions conceptuelles majeures nécessaires à un bon entendement du concept complexe de liberté ? Selon Leibniz, serait-il envisageable de concevoir l'existence de multiples degrés de la liberté ? Mais le texte ne soulève-t-il pas le problème d'une liberté de droit inexorablement imparfaite dans toutes les sociétés ? La liberté de pouvoir ne serait-elle pas une liberté flouée d'une inégalité toujours grandissante ? Mais finalement, comment peut-on concilier contraintes et déterminations avec l'exigence morale et juridique de la responsabilité ?
[...] Théophile va procéder à un raisonnement d'une logique rigoureuse, en exhibant par dichotomies successives l'ensemble des strates de la notion complexe de liberté. Une première division strictement binaire du concept de liberté la décortique en une liberté de droit et une liberté de fait lorsqu'il dit Il y a liberté de droit, et liberté de fait le il y a donnant à son analyse une valeur de vérité universelle et indiscutable. Théophile aborde tout d'abord la liberté de droit et choisit de l'illustrer par trois exemples, celui de l'esclave qui n'est point libre car évidemment soumis à la servitude de son maître, celui du sujet qui n'est pas entièrement libre car assujetti aux devoirs face à une autorité supérieure et celui du pauvre qui est cependant, suivant cette conception de la liberté, aussi libre qu'un riche Mais si l'on peut être point libre ou pas entièrement libre c'est que Théophile soutient clairement l'existence de différents degrés de la liberté. [...]
[...] Car de quelle utilité seraient les prisons si elles offraient aux prisonniers les mêmes degrés de liberté que ceux dont jouit un individu innocent ? L'emprisonnement représente la punition imposée par la société à un individu coupable de la transgression des lois votées par l'ensemble des membres de cette société et que se doit de respecter chaque individu prétendant y appartenir, et se doit donc de symboliquement rappeler les limites de la liberté de chacun. Un individu emprisonné a d'ailleurs pris une trop grande liberté personnelle, en enfreignant donc la liberté d'autres individus que ce soient leur liberté financière lors d'un vol, leur liberté physique lors d'une agression, ou leur liberté la plus fondamentale qu'est celle de la vie, lors d'un meurtre, et les systèmes sociétaires des âges les plus primitifs ont toujours réagit par une réduction réciproque de la liberté de la personne coupable, dont la loi du talion en est un exemple phare. [...]
[...] Mais la privation de liberté qu'entraîne le plus fréquemment la maladie concerne seulement le physique, alors que des libertés peut-être plus précieuses comme la liberté intellectuelle restent, elles, intégralement préservées. Mais les maladies, si leur rétablissement est envisageable, peuvent ensuite amener l'individu qui les aura vécu, à une plus profonde appréciation des libertés qu'il possède et dont il n'avait jamais été conscient au préalable. C'est ainsi que de nombreuses personnes ayant vécu des accidents particulièrement graves les ayant confronté à l'imminence prématurée de la mort redécouvrent la vie avec de toutes nouvelles perspectives où ils célèbrent chaque petite joie et liberté de la vie, même des plus basiques, comme celle de pouvoir discuter, lire, manger. [...]
[...] Il est évident que la maladie n'aura pas des effets aussi délétères sur la liberté d'un individu riche, à une liberté de pouvoir financier déjà accrue, que sur un individu plus pauvre incapable de financer les soins qui lui rétabliraient la santé et donc son potentiel de liberté initial. Liberté financière et liberté physique peuvent donc parfois aller de pair. C'est ainsi que la maladie peut sembler plonger l'homme pauvre dans un processus inexorable de perte sans cesse accrue de liberté. [...]
[...] Mais le texte ne soulève-t-il pas le problème d'une liberté de droit inexorablement imparfaite dans toutes les sociétés ? La liberté de pouvoir ne serait-elle pas une liberté flouée d'une inégalité toujours grandissante ? Mais finalement, comment peut-on concilier contraintes et déterminations avec l'exigence morale et juridique de la responsabilité ? L'extrait débute par une analyse philosophique quelque peu simpliste et superficielle de Philalèthe sur le concept de liberté. Il a une vision très tranchée et très claire de la liberté, suivant une logique binaire. [...]
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