« Il n'y a qu'un problème philosophique vraiment sérieux : c'est le suicide. Juger que la vie
vaut ou ne vaut pas la peine d'être vécue, c'est répondre à la question fondamentale de la
philosophie. » C'est ainsi que s'ouvre l'oeuvre de Camus qui se propose de poursuivre jusqu'à son
terme la logique du raisonnement absurde pour poser le problème essentiel de l'existence :
« l'absurde (du monde) commande t il la mort ? » Il rappelle la difficulté de cette tâche car « il est
toujours aisé d'être logique. Il est presque impossible d'être logique jusqu'au bout. »
Revenons d'abord sur ce qu'est l'absurdité du monde. L'homme veut comprendre le
monde ; « le désir profond de l'esprit même dans ses démarches les plus évoluées rejoint le
sentiment inconscient de l'homme devant son univers (qui) est exigence de familiarité, appétit de
clarté. » L'absurdité du monde naît de « la confrontation de cet irrationnel (du monde) et de ce
désir éperdu de clarté dont l'appel résonne au plus profond de l'homme. (…) L'absurde est
essentiellement un divorce. Il n'est ni dans l'un ni dans l'autre des éléments comparés. Il naît de
leur confrontation. (…) L'absurdité sera d'autant plus grande que l'écart croîtra entre les termes
de ma comparaison. » L'absurde est humain car « si j'étais arbre parmi les arbres, chat parmi les
animaux, cette vie aurait un sens ou plutôt ce problème n'en aurait point car je ferais partie de ce
monde. Je serais ce monde auquel je m'oppose maintenant par toute ma conscience et par toute
mon exigence de familiarité. Cette raison si dérisoire, c'est elle qui m'oppose à toute la création. »
Que faire face à l'absurdité du monde ?
[...] Le tragique de ce mythe, comme celui de la vie est que son personnage central est conscient. Mais, la clairvoyance qui devait faire son tourment consomme du même coup sa victoire. Il n'est pas de destin qui ne se surmonte par le mépris. À cet instant subtil où l'homme se retourne sur sa vie, Sisyphe, revenant vers son rocher, contemple cette suite d'actions sans lien qui devient son destin, crée par lui, uni sous le regard de sa mémoire et bientôt scellé par sa mort. [...]
[...] Le Mythe de Sisyphe, Albert Camus : un raisonnement absurde Le Mythe de Sisyphe Albert Camus Un raisonnement absurde Il n'y a qu'un problème philosophique vraiment sérieux : c'est le suicide. Juger que la vie vaut ou ne vaut pas la peine d'être vécue, c'est répondre à la question fondamentale de la philosophie. C'est ainsi que s'ouvre l'œuvre de Camus qui se propose de poursuivre jusqu'à son terme la logique du raisonnement absurde pour poser le problème essentiel de l'existence : l'absurde (du monde) commande-t-il la mort ? [...]
[...] Cette voie peut être un chemin privilégié de l'homme absurde. Il vient toujours un temps où il faut choisir entre la contemplation et l'action. Cela s'appelle devenir un homme. Ces déchirements sont affreux. Mais pour un cœur fier il ne peut y avoir de milieu. Il y a Dieu ou le temps, cette croix ou cette épée. Le conquérant accepte que l'homme est sa propre fin. Et (qu')il est sa seule fin. (Que) s'il veut être quelque chose, c'est dans cette vie. [...]
[...] Le mouvement de ce raisonnement absurde de Camus se conclut en rappelant les fluctuations de Dostoïevski sur le même thème. Ce dernier a ainsi écrit, que l'homme n'a fait qu'inventer Dieu pour ne pas se tuer. Voilà le résumé de l'histoire universelle jusqu'à ce moment. Le même auteur, dans ses livraisons de décembre 1876, a aussi écrit le raisonnement du suicide logique : Puisqu'à mes questions au sujet du bonheur, il m'est déclaré en réponse, par l'intermédiaire de ma conscience, que je ne puis être heureux autrement que dans cette harmonie avec le grand tout, que je ne conçois et ne serai jamais en état de concevoir, c'est évident ( ) Puisqu'enfin dans cet ordre des choses, j'assume à la fois le rôle du plaignant et celui du répondant, de l'accusé et du juge, et puisque je trouve cette comédie de la part de la nature tout à fait stupide, et que même j'estime humiliant de ma part de la jouer ( ) En ma qualité indiscutable de plaignant et de répondant, de juge et d'accusé, je condamne cette nature qui, avec un si impudent sans gêne, m'a fait naître pour souffrir je la condamne à être anéantie avec moi. [...]
[...] Kierkegaard constatant l'absurde si l'homme n'avait pas de conscience éternelle, si, au fond de toutes choses, il n'y avait qu'une puissance sauvage et bouillonnante, produisant toutes choses, le grand et le futile, dans le tourbillon d'obscures passions, si le vide sans fond que rien ne peut combler se cachait sous les choses, que serait donc la vie, sinon le désespoir ? - choisit le saut et la foi en Dieu. Ceci se comprend car la certitude d'un Dieu qui donnerait son sens à la vie surpasse de beaucoup en attrait le pouvoir impuni de mal faire. Le choix ne serait pas difficile. Mais, il n'y a pas de choix et l'amertume commence alors. L'absurde ne délivre pas, il lie. [...]
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