Micromégas est le premier conte philosophique de Voltaire. Dans ce conte, il met d'abord en scène son héros, un géant nommé Micromégas, personnage ingénu à l'esprit ouvert et avide de découverte, et le secrétaire de l'Académie de Saturne. Au cours de leurs déplacements, les deux géants abordent la Terre, une planète si minuscule qu'il la pense d'abord inhabitée, toutefois en utilisant un diamant en guise de microscope, ils découvrent un bateau sur lequel se trouve quelques philosophes. Mais les habitants de la Terre sont-ils des « atomes intelligents » ou des « assassins ridicules »? A travers le regard de Micromégas, Voltaire met en évidence les imperfections de son époque comme toujours, l'interrogation philosophique s'exprime par le recours à l'ironie, qui permet une mise à distance porteuse de sens.
[...] s'agit, dit le philosophe, de quelque tas de boue grand comme votre talon. Ce n'est pas qu'aucun de ces millions d'hommes qui font égorger prétende un fétu sur ce tas de boue. Il ne s'agit que de savoir s'il appartiendra à un certain homme qu'on nomme Sultan, ou à un autre qu'on nomme, je ne sais pourquoi, César. Ni l'un ni l'autre n'a jamais vu ni ne verra jamais le petit coin de terre dont il s'agit ; et presque aucun de ces animaux, qui s'égorgent mutuellement, n'a jamais vu l'animal pour lequel ils s'égorgent. [...]
[...] Pour Micromégas, les hommes sont d'abord une construction matérielle minimale : atomes intelligents il réduit l'humanité à la taille de particules minuscules. Voltaire remet à sa place les hommes qui se considèrent comme le contre de l'univers. Or l'existence des hommes est ici le fruit d'un caprice divin : dans qui l'Etre éternel s'est plu à manifester son adresse et sa puissance Les premières paroles de Micromégas réduisent l'homme à une matérialité extrême. Paradoxalement, dans sa grande naïveté, le géant considère cette matérialité comme une promesse de spiritualité : vous devez sans doute goûter des joies bien pures sur votre globe : car, ayant si peu de matière, et paraissant tout esprit, vous devez passer votre vie à aimer et à penser ; c'est la véritable vie des esprits. [...]
[...] malheureux ! s'écria le Sirien avec indignation, peut-on concevoir cet excès de rage forcenée ! Il me prend envie de faire trois pas, et d'écraser de trois coups de pied toute cette fourmilière d'assassins ridicules. - Ne vous en donnez pas la peine, lui répondit-on ; ils travaillent assez à leur ruine. Sachez qu'au bout de dix ans, il ne reste jamais la centième partie de ces misérables ; sachez que, quand même ils n'auraient pas tiré l'épée, la faim, la fatigue ou l'intempérance, les emportent presque tous. [...]
[...] Le texte est donc porteur d'une critique morale forte, on comprend alors que sa visée est plus profonde qu'il n'y paraît au premier abord, car elle est essentiellement philosophique. L'extrait met donc en scène une conversation telle qu'elle se déroulait dans les salons, cafés philosophiques, et qui reflète l'idéal des Lumières. Le recours au discours direct permet d'exprimer les idées de façon plus vivante qu'à travers un simple récit. Bien qu'ils appartiennent à deux planètes différentes, le Saturnien et le Sirien utilisent un lexique commun. Ainsi, quand le Sirien évoque l'« Etre éternel on comprend que sur Sirius, on est déiste. [...]
[...] La négation je ne sais pourquoi va plus loin puisqu'elle suggère que n'importe qui d'autre pourrait occuper cette place. C'est l'arbitraire qui règne en maître dans la société, or au XVIIIème siècle, il y a eu rupture du lien entre les êtres et les choses auxquelles ils auraient du être liés : royaume, terres, fiefs, tas de boue ».Voltaire se livre donc à une critique sociale et politique, il dénonce une société fondée sur des institutions politiques, prenant appui sur un rapport symbolique de la Terre, qui n'existe plus dans la réalité des faits. [...]
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