Paul K Feyerabend fait partie des auteurs que C. Ulises Moulines classe, parmi les tenants de la phase historiciste en épistémologie, il rejoint ainsi Kuhn et Lakatos notamment. Ce dernier devait d'ailleurs collaborer à l'ouvrage que j'étudierai au cours de ce travail. Contre la méthode devait, en effet, constituer, comme nous le précise Feyerabend en exergue, la première partie d'un livre sur le rationalisme, qui aurait été complétée par la réponse de Imre Lakatos, ce dernier décéda avant d'avoir pu donner naissance à cet ouvrage. Cette précision est importante car elle permet de prendre un peu de recul par rapport à certaines affirmations ou attaques de Feyerabend contre Lakatos. Il est ainsi parfois qualifié de « champion » de « la quête pour l'Ordre et la Loi », ceci peut ne pas paraître une grosse critique mais Feyerabend se définit comme un auteur anarchiste, l'ordre et la loi personnalisés sont donc des éléments qu'il combat du fait de son opposition aux institutions. D'ailleurs, dans son exergue, cet anarchiste épistémologue témoigne de son amitié à Imre Lakatos, ce qui laisse entendre que les critiques virulentes qui lui sont destinées dans le livre faisaient plus partie d'un débat qui faisait avancer chacun des deux chercheurs que d'une volonté de détruire l'autre.
Les « méchancetés » écrites par Feyerabend anticipaient des « réponses encore plus méchantes » de la part de son « ami et frère en anarchisme », on peut dès lors supposer que cet ouvrage, en tout cas dans certaines de ses parties, relevait d'une bataille verbale entre les deux hommes qui prendrait quelque peu la forme du jeu, ce qui n'empêche pas l'élaboration argumentée de nouvelles propositions théoriques. Il serait intéressant de s'arrêter quelques temps sur la longue correspondance qu'ont entretenu les deux hommes mais je ne pourrai pas le faire ici. Je me concentrerai donc sur l'ouvrage tel qu'il a été publié par Feyerabend seul.
Ce texte peut sembler polémique dès la lecture de son titre, mais cette seule qualification me paraît réductrice car l'ouvrage est constitué de nombreuses analyses rigoureuses des différentes « méthodes » évoquées, on pourrait d'ailleurs envisager cette rigueur comme une technique particulière, celle de l'anarchisme épistémologique qui loin de rejeter en bloc les théories les évalue et ensuite seulement fait un choix, en ne cherchant pas la meilleure mais celle qui lui convient le mieux.
[...] "Contre la méthode" de Paul Feyerabend Paul K Feyerabend fait partie des auteurs que C. Ulises Moulines classe[1], parmi les tenants de la phase historiciste en épistémologie, il rejoint ainsi Kuhn et Lakatos notamment. Ce dernier devait d'ailleurs collaborer à l'ouvrage que j'étudierai au cours de ce travail. Contre la méthode[2] devait, en effet, constituer, comme nous le précise Feyerabend en exergue, la première partie d'un livre sur le rationalisme, qui aurait été complétée par la réponse de Imre Lakatos, ce dernier décéda avant d'avoir pu donner naissance à cet ouvrage. [...]
[...] On peut, en fait, plus parler d'attitude que de méthode, d'abord parce que Feyerabend vient, par le présent ouvrage, de s'y opposer, mais aussi parce que cette attitude n'a pas de règles précises. Elle ne se propose pas d'évaluer les sciences, mais de les connaître afin de pouvoir choisir celle qui aujourd'hui nous conviendra le mieux. Je souligne ce terme d'aujourd'hui, car l'attitude recommandée par Feyerabend, celle du dadaïste épistémologue, comprend une dimension aléatoire, le choix d'une doctrine plutôt que d'une autre peut être fait selon son humeur du jour, ou pour impressionner une maîtresse. [...]
[...] Cette technique d'argumentation qui structure les chapitres structure aussi l'œuvre dans son entier, en effet dès le premier chapitre, Feyerabend remet en cause l'enseignement de la science de son époque pour y revenir dans le dernier chapitre en affirmant, cette fois, la nécessité d'une séparation de l'État et de la science après une analyse et une réfutation de nos préjugés par rapport à la science. Le développement antérieur du texte a permis de faire comprendre sa position contre l'enseignement actuel des sciences et de faire admettre assez facilement sa proposition. On peut tout à fait refuser d'adhérer à la thèse de cet auteur, mais il me semble qu'on doit lui reconnaître une capacité à la persuasion par une argumentation précise. [...]
[...] Pourtant, Feyerabend considère qu'au cours du XXe siècle la science a perdu ce statut de supériorité. Du fait de ses progrès mêmes, elle a montré qu'elle était susceptible d'erreurs car différentes découvertes se sont trouvées successivement invalidées, ce qui posait un risque de chaos pour la science. Les lois scientifiques peuvent être révisées, souvent elles deviennent non seulement incorrectes sur certains points, mais entièrement fausses, énonçant des assertions sur des entités qui n'ont jamais existé C'est cette faille que se propose d'annuler l'anarchisme épistémologique. [...]
[...] Ainsi, dès les premiers chapitres il expose ce qui seront ses mots d'ordre : d'abord ce qu'on pourrait considérer comme son slogan tout est bon cette idée se veut provocatrice, en opposition aux théories contemporaines de Feyerabend, qui prétendent être les meilleures et introduisent donc une comparaison entre les différentes méthodes. Feyerabend au contraire prône l'incommensurabilité : à la suite de Kuhn il envisage le fait que les théories ne sont pas comparables entre elles, car chacune développe une cosmologie particulière, prétendre qu'une comparaison est possible c'est supposer que chaque scientifique entend les termes de son exposé de la même manière que ses opposants ou, du moins, que les partisans d'une autre théorie. [...]
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